Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à nos yeux. Après avoir longtemps expérimenté cette méthode d’observation, fatigante et le plus souvent illusoire, M. Miquel s’est définitivement arrêté à celle des ensemencemens, préconisée par M. Pasteur. Il se sert, à cet effet, de tubes à boule, contenant une liqueur putrescible, préalablement stérilisée, et dans lesquels l’air est introduit par un aspirateur. Le passage de l’air, une fois terminé, l’orifice d’entrée doit être scellé à la lampe, tandis que l’extrémité opposée du tube reste bouchée par un tampon d’amiante. Le petit ballon ainsi ensemencé est alors placé à l’étuve, et son contenu s’altère ou ne s’altère pas, suivant que l’air aspiré était ou non chargé de germes. Chaque expérience étant faite sur 50 tubes à boule, dont chacun reçoit le même volume d’air, on admet que la richesse de cet air en germes est indiquée par le nombre des tubes dont le contenu s’altère.

Tel est le principe de la méthode des « ensemencemens fractionnés. » Elle suppose, avec raison, que chacune des conserves qui se sont altérées a reçu au moins un germe ; mais il est clair aussi qu’elle a pu en recevoir davantage. M. Miquel s’est parfaitement rendu compte de la justesse de cette objection, qui repose sur la distribution inégale des corpuscules dans un volume d’air donné. « Aussi faible qu’on le suppose, dit-il, le poids des poussières introduites dans un seul ballon peut renfermer deux, trois ou plusieurs germes de la même espèce, qui ne sont, plus tard, comptés que pour un seul. Quelquefois aussi plusieurs spores diverses peuvent adhérer ensemble, et celle qui germe le plus tôt peut entraver le développement des autres, en envahissant rapidement le milieu où elles sont semées en bloc. Souvent il arrive aussi que l’air, abondamment pourvu de graines de moisissures, en apporte plusieurs espèces capables de croître dans le bouillon neutralisé, d’absorber rapidement l’oxygène dissous dans le liquide, et de priver ainsi les germes atmosphériques des bactéries d’un élément nécessaire à leur éclosion. Généralement cependant, les moisissures croissent lentement dans le bouillon privé de toute acidité, et les bactéries prennent vite le dessus. » — Ces causes d’erreur font que les nombres obtenus restent souvent au-dessous de la réalité ; on pourra toutefois admettre qu’ils indiquent d’une manière assez exacte la richesse relative de l’air à des époques différentes, si l’opérateur a soin de se placer toujours dans les mêmes conditions d’expérience. Ce qui semble prouver que les germes sont d’ordinaire répartis d’une manière uniforme dans le milieu ambiant, c’est que quatre ou cinq groupes d’expériences effectuées dans le cours d’une journée et au même endroit donnent des résultats à peu près identiques, si le vent ne varie pas, et si l’air n’est pas, dans l’intervalle, lavé par la pluie ou par une chute de neige. Il en serait autrement si l’on admettait, avec M. Tyndall, l’existence de ces nuages ou essaims de bactéries, que le célèbre physicien anglais veut avoir observés à l’aide du « plateau des