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méthode ; le budget ordinaire, bien dirigé, y eût suffi et nous aurions une dette moindre de 8 milliards.

On a préféré revenir à l’expédient corrupteur dès budgets extraordinaires ; on a porté à ce compte spécial toutes les dépenses qui gênaient pour l’équilibre du budget ; on y a mis les traitemens des fonctionnaires faisant partie des corps administratifs permanens ; on y a inscrit des rectifications de routes, des reconstructions de navires de guerre ; bref, on a reconnu le caractère extraordinaire à une foule de dépenses qui jusque-là figuraient tranquillement dans le rang des dépenses normales annuelles. On a eu cette hallucination, cette féerie, qui s’appelle le projet Freycinet et qui s’est bientôt doublée du projet Ferry pour la construction des maisons d’école. Bref, à peine introduits de nouveau dans nos finances, les budgets extraordinaires y ont pris des proportions incommensurables. L’histoire est trop connue des 8, 10 ou 12 milliards du plan Freycinet ; nous n’y reviendrons pas. Nous nous bornerons à analyser rapidement les derniers budgets extraordinaires pour montrer que les conventions projetées avec les compagnies de chemins de fer, quelques bons effets qu’elles aient, ne remédieront qu’à moitié au mal et que la réforme doit être beaucoup plus complète. L’exposé des motifs de M. Tirard, et particulièrement les tableaux insérés aux pages 36 et 37, 50 et 51, 64 et 65, sont absolument démonstratifs sur ce point.

Avant de donner quelques explications sur la répartition même des crédits portés aux budgets extraordinaires des trois derniers exercices, jetons un rapide coup d’œil sur les variations considérables des chiffres globaux de ces budgets. Les transformations qu’ils subissent sont énormes ; les écarts entre les prévisions et les réalités se chiffrent par centaines de millions, de sorte que les esprits même les plus familiers aux affaires ont de la peine à fixer dans leur mémoire l’importance de chacun de ces comptes colossaux. Voici le budget extraordinaire des dépenses de l’exercice 1880. Il est fixé par le vote du budget primitif au chiffre fort respectable de 615 millions de francs ; diverses lois postérieures viennent l’accroître et le portent à 822 millions. D’autres lois interviennent qui le réduisent en fin de compte, autant qu’on en peut juger, à 479 millions. Le budget extraordinaire de 1881 n’offre pas de moindres vicissitudes. L’évaluation première est 644 millions 1/2 ; des lois rendues au cours de l’exercice réduisent cette somme à 481 millions 1/2 ; d’autres lois, également tardives, agissant en sens contraire, portent ce budget extraordinaire à 707 millions 1/2, ce qui est le chiffre actuel. La même destinée mobile et changeante était réservée au budget extraordinaire de 1882 : les crédits alloués par le budget primitif sont de 559 millions ; mais, par des