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destinées à produire un capital effectif de 1,200 millions de francs, lesquels étaient censés consolider une partie de la dette flottante devenue exubérante. Il ne faut pas toutefois que cette consolidation officielle rassure et soit prise au sens littéral du mot. Les 1,200 millions de rentes ainsi créés ont été remises à la caisse des dépôts et consignations pour dégager d’autant le compte courant exubérant, extravagant, que les caisses d’épargne avaient au trésor. Or, après comme avant cette consolidation, les déposans aux caisses d’épargne pourront, s’ils le jugent convenable, demander le remboursement de leurs dépôts, et le trésor se trouvera sous le même coup de l’exigibilité de cette nature de dettes. Les rentes remises à la caisse des dépôts et consignations ne dégagent ni celle-ci ni le trésor de leurs obligations envers les déposans. Elles permettront, dit-on, le cas échéant, de mettre ces titres en gage et d’obtenir des avances de la part d’établissemens de crédit et de banquiers pour rembourser les déposans s’ils se présentaient en trop grand nombre. Ce raisonnement serait juste en temps de paix et de prospérité, mais il perdrait presque toute sa portée en temps de crise nationale intérieure ou extérieure ; alors, en effet, les établissemens de crédit et les banquiers n’ont guère ni la volonté ni les moyens de faire des prêts gagés sur des titres. Au point de vue de l’exigibilité réelle des engagemens, on peut donc considérer que, malgré la consolidation récente d’une partie des capitaux de la dette flottante, le trésor se trouve toujours en face d’une somme de près de 3 milliards qu’on peut lui réclamer à chaque instant.

Une autre ressource restait au trésor, qui a été employée dans ces derniers temps, c’est le prêt de 80 millions que lui a fait la Banque de France en vertu d’une loi du 13 juin 1878. Emprunter à la Banque, en pleine paix, pour construire des hôtels de poste ou pour agrandir des ministères, c’est certes un singulier procédé. La Banque devrait rester la ressource extrême réservée aux cas de nécessité majeure où le crédit public est suspendu et où les capitaux se dissimulent. Aujourd’hui, la Banque, avec la circulation de 2 milliards 850 millions, aurait moins de liberté pour venir puissamment au secours de l’état si quelque grande crise sévissait de nouveau sur le pays. Le compte créditeur de l’état à la Banque s’est d’ailleurs considérablement réduit. Il y a deux ans, à pareille époque, le 28 avril 1881, le compte créditeur du trésor montait à 450 millions ; le 27 avril 1882, il était presque au même chiffre, 448 millions ; le 26 avril 1883, il était tombé à 142 millions ; encore avait-il fléchi davantage huit jours auparavant, descendant à 119 millions le 17 avril dernier. Ce n’est guère que le double de la somme que certains grands établissemens de crédit parisiens ont toujours en compte courant à la Banque.