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qu’une faible action sur les contributions indirectes proprement dites. Les cultivateurs consomment médiocrement des denrées imposées ; ils ont la franchise pour le vin ou le cidre de leur cru, qu’ils boivent et qu’ils font boire à leurs gens ; ils ne font que peu usage de café, de sucre et de tabac. Ce sont les ouvriers de l’industrie, ceux des grandes villes surtout et tous les nomades, qui alimentent particulièrement le trésor ; voilà la légion innombrable des fumeurs, des buveurs de vin et d’alcool. Les travaux énormes de construction entrepris à Paris, dans la plupart des grandes villes, sur tout le littoral de la Manche et de l’Océan, et dans toutes les stations hivernales de la Méditerranée, les grands chantiers ouverts par l’état sur toute l’étendue du territoire où l’on entreprend à la fois soixante ou quatre-vingts tronçons de lignes ferrées, sans compter les canaux, les chemins vicinaux et les ports, les folies des particuliers et des sociétés anonymes avant le krach de la bourse, le plan Freycinet, dont la conception et le vote appartiennent à la même période d’entraînement et d’illusion : voilà en partie les facteurs des énormes plus-values d’impôts de ces dernières années. La hausse des salaires y a aidé. Payé 7, 8, 9, 10 francs par jour, l’ouvrier a singulièrement accru ses consommations et de vin, et de bière, et de café, et de sucre, et d’alcool, et de tabac. Ces heureux temps ne sont-ils pas passés, et le retour prochain n’en est-il pas improbable ? Quelque combinaison que l’on prenne, il faudra bien ralentir les travaux publics ; quant au dévergondage d’entreprises des particuliers et des sociétés anonymes, il s’arrêtera de lui-même. Il n’est que trop clair pour un homme perspicace que ce temps de liquidation qui commence à peine devra durer quelques années et qu’il aura sur le rendement des impôts indirects une influence déprimante ; non pas que le produit de ceux-ci doive nécessairement fléchir, mais on ne saurait espérer que, au moins pendant les prochaines années, il s’accroisse rapidement et avec continuité.

La troisième cause des plus-values d’impôts, c’est l’accroissement de la richesse publique et plus particulièrement l’élévation du taux d’évaluation de cette richesse, Nous ajoutons ce dernier membre de phrase, il est très important. La richesse publique va toujours en augmentant dans un vieux pays civilisé qui jouit de la paix : c’est le cas particulièrement en France, où l’épargne est énorme. Celle-ci se borne-t-elle à 1,500 millions ? monte-t-elle à 2 milliards ou même à 3 ? Le chiffre intermédiaire nous paraît le plus vraisemblable. Mais cette épargne peut être en partie gaspillée ; ç’a été le cas pour les dernières années. Une foule d’entreprises fantastiques ont vu le jour qui ont ruiné la généralité des participans sans enrichir toujours les fondateurs, aventuriers, grands amateurs de luxe et de vie large. Quant à l’emploi de cette épargne, il reste encore assez