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lui reprochait de dépenser « sans compte ni mesure, de dissiper l’argent sans règle, comme si c’était de la terre ; » il insinuait qu’en s’y prenant mieux, « on pourrait faire des deniers revenans-bons[1]. » De leur côté, le cardinal, les ministres s’effrayaient de cette prodigalité, trouvaient ces exigences un peu lourdes, car si Anguien ne demandait rien pour lui, il entendait que ses troupes fussent bien traitées, ses officiers récompensés ; il commençait à devenir gênant, grief impardonnable aux yeux de maint gouvernement. M. le Prince l’éclairait sur ce changement d’humeur. « Vos affaires vont mal, écrivait-il[2], vos services sont peu reconnus, vos alliés et amis, comme MM. de Brézé et de Chaulnes maltraités, et vos ennemis avancés. »

Le chevalier de Bois-Dauphin était allé à Paris présenter les « articles de Thionville » et demander des ordres. « Tous les avis sont que Melo va se réunir à Beck, que Hatzfeld leur amène cinq à six mille hommes et que tout ce corps considérable va venir icy ; c’est à vous à voir ce que je pourrai faire en ce rencontre[3]. »

La réponse fut portée par Rantzau, désigné pour remplacer le marquis de Gesvres : la marche offensive des ennemis semblait moins probable ; le prince d’Orange ayant pris position près de Gand avec seize mille hommes, Melo était immobilisé ; Cantelmi, sur la Meuse, Fuensaldaña, vers Béthune, n’avaient que des détachemens insignifians ; Hatzfeld était retenu vers Cologne, le duc Charles dans le Palatinat ; l’armée française était donc libre d’agir. On indiquait Sierck et Longwy comme des entreprises utiles dès que Thionville serait en état[4]. M. le Duc n’avait pas attendu ces instructions pour faire « diligenter le rasement des lignes et la réparation des brèches, » pour veiller lui-même au remplacement des munitions de guerre et de bouche consommées par la place. Il profita du voisinage pour aller visiter Metz ; Rantzau l’accompagnait ; il avait donné rendez-vous au duc d’Angoulême, dont les troupes avaient été rapprochées de la Meuse quand on avait redouté une attaque de l’ennemi. Mais le vieux Charles de Valois, empêché par la goutte, se fit remplacer par Quincé. Voici ce qui fut décidé : « Dans six ou sept jours, nous pourrons partir pour aller visiter Beck auprès de Luxembourg, l’obliger à s’en tirer ou à s’enfermer dans la place, et cependant prendre Sierck, puis voir si on pourrait establir des troupes en quartier sur la Sarre et prendre Longwy

  1. 20 juillet et autres.
  2. 25 août.
  3. M. le Duc à Mazarin, 9 août.
  4. Le Plessis-Besançon à M. le Duc, 9 août. Mazarin à M. le Duc, 12, 19 août, etc.