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méthode hollandaise avec le procédé que Courteilles avait employé au siège de Hesdin. Est-ce un des ingénieurs subalternes qui a pu étonner des renseignemens à la fois si précis et si pittoresques à l’auteur de ce compte-rendu ? Ils avaient tous disparu. Très supérieur aux autres, Perceval avait été frappé le premier ; Le Rasle, La Plante, Champagne, tous ceux qui le remplacèrent imparfaitement furent tués. Le seul qui survécut était le premier de tous, celui qui avait été l’âme et la pensée du siège, le duc d’Anguien. C’est sous ses yeux ou sous sa direction, on peut le dire, que La Moussaye a écrit ; nous en avons la preuve matérielle. On reconnaît le véritable auteur du récit, d’abord dans la sobriété des éloges donnés au général en chef, mais aussi dans cette recherche à peindre la difficulté vaincue et dans cette coquetterie de métier qui rappelle César comptant les clous et les poutres du pont qu’il avait jeté sur le Rhin, ou décrivant les quinconces de chevaux de frise et de trous de loup qu’il avait semés devant les lignes d’Alesia. La main qui avait tenu le tire-ligne pour dessiner les attaques a pris la plume pour raconter le siège, et c’est la même aussi qui, restant ferme sous une grêle de balles, biscaïens et grenades, avait plus d’une fois tracé sur le terrain les ouvrages qu’elle avait esquissés sorte papier. C’est bien ke grand Condé qui a pris Thion ville, comme c’est lui qui a gagné la bataille de Rocroy. Ces deux actions si différentes étaient, de toutes celles qu’il a accomplies, les plus chères la son souvenir. La victoire du 19 mai était la première fleur de sa globe ; il la considérait comme son chef-d’œuvre, et dans les dernières années de sa vie il se plaisait à en retracer le plan et à en raconter les épisodes. Peut-être cependant était-il encore plus fier d’avoir par sa ténacité et sa science forcé sur la Moselle le boulevard de la puissance dont il avait détruit les légions sur la bruyère des Ardennes.


XVIII. . — SUITES DE LA REDDITION ET PRISE DE SIEBCK, 3 SEPTEMBRE.

Marolles[1], mestre de camp de grande valeur, fut installé gouverneur de Thionville ; sa commission avait été signée d’avance sur la demande instante du général en chef, qui, cette fois, n’avait pas été appuyée par son père. M. le Prince aurait désiré que cet emploi fût réservé à son protégé Espenan ; M. le Duc admettait que « M. d’Espenan servait miraculeusement bien ; c’est le meilleur homme de siège que je connaisse ; » il demanda, pour lui le cordon

  1. Joachim de Lenoncourt, dit le marquis de Marolles.