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Se fiant à cet indice, M. le Duc crut pouvoir sommer la place (1er août), et pour soutenir cette sommation, il s’avança sur le pont de fascines qui conduisait à la brèche (1er août). La réponse du gouverneur ne se fait pas attendre ; elle est négative et aussitôt appuyée d’une salve de mousqueterie et d’artillerie qui décime la suite du prince : un capitaine de Lesdiguières est tué, Espenan et Chevers sont blessés. On arrivait au corps à corps et les pertes devenaient sensibles ; le dernier des officiers qu’on avait pu, tant bien que mal, employer comme ingénieurs, Champagne, avait été mis hors de combat. Le marquis de Lenoncourt[1] gouverneur de Nancy, venu en curieux, avait été tué, ainsi que Saltoun, capitaine des gardes écossaises, Corsini, gentilhomme florentin, capitaine dans Royal-Italien, bien d’autres encore. Au rapport de tous les prisonniers, la garnison attendait un prompt secours d’Allemagne. Elle multipliait ses efforts pour ralentir les progrès des Français ; le feu de la place se soutenait très vif ; les sorties étaient fréquentes et très vigoureuses ; celle de la nuit du 2 au 3 août parut une « action extraordinaire. » Pendant qu’une colonne attaque de front la garde de tranchée, quelques hommes montés sur des bateaux traversent le fossé, gagnent la contrescarpe, entrent par les embrasures dans la batterie de gauche, tuent m chassent la garde, enclouent les pièces, rentrent dans leurs bateaux et regagnent la ville.

Le 3 août, un Messin, prisonnier dans Thionville, se jette du haut du bastion au pied de la brèche et vient annoncer au duc d’Anguien que le gouverneur et le major de la place ont été tués dans la nuit. — Cette nouvelle est saluée d’une double salve, et aussitôt le soleil couché, M. le Duc fait mettre le feu à un nouveau fourneau préparé en tête de son attaque. L’effet est plutôt nuisible et renverse les ponts de fascines. Néanmoins on donne l’assaut et vingt hommes de Picardie atteignent le sommet de la brèche ; mais ils ne sont pas soutenus ; le mestre de camp Maupertuis tombe blessé ; l’assaut est repoussé.


XVI. — LA NUIT DU 4 AOUT ET LA REDDITION DE THIONVILLE.

La journée du 4 août fut néfaste pour les Français ; les assiégés montrèrent partout une vigueur extraordinaire, qui fut couronnée par le succès. M. le Duc ayant fait jouer un nouveau fourneau, Gassion, qui entrait en garde, s’élance à l’assaut ; il tombe presque aussitôt atteint d’une mousquetade à la tête ; le chevalier de Chabot

  1. Claude de Lenôncourt, dit le marquis de Lenoncourt, maréchal de camp en 1639.