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vos services avec les récompenses données à d’autres ; quant à vous, vous n’aurez ni gouvernement, ni pension, rien enfin que… des dettes. » M. le Prince revenait sur ce dernier point avec insistance. Il avait beau pester contre les conseillers de son fils, tonner contre ses prodigalités, envoyer à Girard des modèles de comptabilité et des projets de combinaisons financières ; rien n’y faisait ; non-seulement M. le Duc avait employé pour la solde, pour les travaux, pour les vivres, jusqu’au dernier sou des fonds qui lui avaient été envoyés et même des gratifications que la régente lui offrait au nom du roi, « les avançant du sien, » ainsi que les ministres le faisaient sonner bien haut ; mais il avait acquitté une partie des dépenses du siège au moyen d’un emprunt fait à son beau-frère Longueville, ce qui avait jeté M. le Prince dans un véritable désespoir lorsqu’il l’avait découvert. Il était urgent de régler ces affaires. Un motif d’ordre plus noble appelait aussi M. le Duc auprès de sa famille ; le 29 juillet, sa femme lui avait donné un fils « le plus beau du monde et qui vous ressemble ; c’est merveille que la grosseur de cet enfant, veu la petitesse de la mère. » La duchesse était restée souffrante ; elle avait la fièvre ; « le retour de son mari la guérirait. » — « Vous avez reçu permission de venir icy, écrivait M. le Prince dès le 14 août. Au nom de Dieu, profitez-en[1]. »

Mais le duc d’Anguien avait l’âme assez haute pour résister à tant de sollicitations pressantes, et même à un attrait peut-être plus vif encore (car il n’aurait pas fallu chercher bien loin dans les replis de son cœur pour y trouver un sentiment qui n’était ni l’amour conjugal ni la tendresse paternelle), et il répondait à son père : « Je souhaiterais avec passion pouvoir retourner auprès de vous dès à cet heure ; mais je ne crois pas que je le puisse encore faire avec honneur, ny mesme pour le bien du service[2]. »


XXI. — PRÉPARATIFS DU SECOURS D’ALLEMAGNE. — INCIDENT.

Il attendait une tentative de l’ennemi, une attaque combinée, Beck, le duc Charles, Hatzfeld et peut-être Mercy, ou une nouvelle direction, l’ordre de combiner une opération avec Guébriant. Voici enfin des instructions précises ; toute nouvelle entreprise lui est interdite ; la composition du détachement qui doit passer en Allemagne est fixée ainsi que l’état des troupes à mettre en quartiers. Il

  1. M. le Prince à M. le Duc, Perraut à Girard.
  2. 19 août.