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dit. Les troupes avaient grand’peine à y suffire. « Nous sommes icy effectivement quatorze mille hommes de pied et sept mille chevaux, sans compter les officiers, sergens et valets[1], » et M. le Duc, réclamant de l’infanterie avec sa vivacité ordinaire, indiquait celle qu’on retenait inutilement devant La Motte ; mais M. le Prince ayant été pris de la gravelle le jour où cette demande fut rapportée devant le conseil de régence, on différa de prendre une résolution[2]. Cependant on finit par se décider à lever pour quelque temps l’éternel blocus de la petite forteresse lorraine, et Arnauld fut envoyé devant Thionville avec six régimens d’infanterie et deux de cavalerie[3]. On recourut aussi à l’expédient ordinaire de faire des emprunts aux « vieilles garnisons. » Enfin, huit compagnies de gardes françaises et suisses reçurent l’ordre de rejoindre le corps de siège. Tous ces renforts arrivèrent assez tardivement, fort diminués en route et furent loin de donner en réalité ce qu’ils représentaient sur le papier. C’est à peine s’ils égalèrent les pertes que le feu, la fatigue et les maladies firent essuyer à l’armée. Le ministre n’en demandait pas moins qu’en échange de ces contingens, M. le Duc envoyât une bonne partie de sa cavalerie au duc d’Angoulême, qui criait misère chaque fois qu’une patrouille espagnole paraissait en Boulonnois ou aux frontières du Hainaut. M. le Duc expédiait une copie de son tableau de service, représentait qu’il n’avait pas trop de chevaux pour surveiller le vaste périmètre de ses lignes, repousser les sorties, observer Beck, défaire les partis qui venaient attaquer nos convois et qu’il fallait parfois reconduire jusqu’aux portes de Luxembourg ; tout ce qu’il put faire fut de mettre mille chevaux à la disposition de son lieutenant-général.


XV. —LE SIEGE DE THIONVILLE.

Le temps employé à la construction de la circonvallation avait à peine suffi à la formation des approvisionnemens de siège. Après le premier convoi amené de Verdun par Sirot, d’autres s’étaient succédé par eau ou par terre, venant de Toul, Nancy[4], et surtout de Metz. Trente pièces de batterie, des munitions de guerre, des bateaux, etc., avaient été reçus de cette dernière place. De grands dépôts de vivres, des amas de madriers, gabions, sacs à terre, avaient été formés, le plan du siège arrêté et le tour de service

  1. M. le Duc à M. le Prince.
  2. M. le Prince à M. le Duc, 29 juin.
  3. Le Roi à M. le Duc, 4 juillet.
  4. La capitale de la Lorraine était alors occupée par les Français.