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de former un cabinet. Il a essayé de rassembler des ministres, d’arriver à une combinaison qui pût offrir quelques chances de succès ; il n’a pas pu réussir. Le roi n’a eu alors d’autre ressource que de se retourner vers le parti progressiste plus avancé, — quoique encore fort modéré, — vers un des chefs de ce parti, M. Kappeyne van Coppello, qui a été déjà président du conseil, mais ici, autre difficulté d’un ordre particulier : M. Kappeyne a cessé d’appartenir à la chambre ; il a voulu y rentrer, il s’est présenté tout récemment comme candidat à Amsterdam et il a échoué. Ce n’était pas un bon préliminaire pour sa rentrée au pouvoir. Au demeurant, après toutes ces tentatives, après une absence du roi, qui dans l’intervalle est allé avec la reine passer quelques jours en Angleterre, on est revenu au point d’où l’on était parti ; on s’est adressé de nouveau à M. Heemskerk, qui cette fois n’a plus hésité, et s’est chargé de former un cabinet où il a fait entrer avec lui M. Van der Does de Villebois comme ministre des affaires étrangères, M. Weitzel comme ministre de la guerre, le grand maître des cérémonies de la cour, M. du Tour Van Bellinchave, comme ministre de la justice, quelques autres personnages comme ministres des colonies, de la marine, des travaux publics. C’est le résultat de ce laborieux enfantement de quelques semaines.

On a donc fini par trouver des successeurs au cabinet van Lynden, ; qui, de toute façon, après ses derniers échecs, ne pouvait plus garder le pouvoir même à titre provisoire. On a réussi à reconstituer un ministère à La Haye. Qu’en est-il réellement toutefois ? Ce serait peut-être une illusion de considérer ce dénoûment comme définitif. Les. nouveaux ministres peuvent n’être point dénués de mérite et avoir été des fonctionnaires distingués ? ils sont malheureusement sans notoriété, tout au moins sans influence dans le monde politique, et la première difficulté pour eux sera de justifier, d’expliquer leur avènement devant les chambres. Le nouveau président du conseil, qui a gardé pour lui le ministère de l’intérieur et qui s’est flatté peut-être de suppléer à l’insuffisance parlementaire de ses collègues, M. Heemskerk, est personnellement sans doute un homme de valeur, considéré dans son parti ; mais il ne peut se méprendre sur les difficultés d’une situation devant laquelle il s’était d’abord arrêté. Il sait qu’il n’obtiendra pas l’appui des libéraux dans le parlement et que, même en s’alliant avec les catholiques, il ne peut avoir une majorité suffisante. Il n’a pas craint cette fois de tenter l’aventure : il reste à savoir si le résultat répondra au courage qu’il a montré en acceptant de former un cabinet dans ces conditions difficiles et même peu régulières. A ne voir que les apparences, les dispositions des partis, ce résultat semble assez douteux. M. Heemskerk a cependant pour lui deux chances : la première est dans les divisions intestines des libéraux, divisions qui n’ont fait, que s’accentuer pendant la dernière crise, et qui ont mis le parti libéral dans