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M. le Duc écrivait à son père : « Notre circonvallation est bientôt fermée, elle n’est pas en état de soutenir un puissant effort, mais les petits secours ne peuvent plus entrer. Beck est près de Luxembourg ; s’il vient hasarder quelque effort, il faut que ce soit à force ouverte. » Beck ne fit pas d’effort, et la circonvallation fut achevée en vingt jours sans autre incident que des engagemens de cavalerie peu importans, mais qui donnèrent au général en chef l’occasion de charger deux ou trois fois pour dégager des amis imprudens. Tavannes, lieutenant de ses gardes, fut blessé dans une de ces escarmouches ; il en coûta plus cher à l’écuyer Francine. Comme cet ancien et fidèle serviteur revenait de Paris avec des dépêches, il tomba dans un poste de Croates et fut pris après une vigoureuse résistance. Renvoyé par Beck, il succomba à la gravité de ses blessures et fut fort regretté de M. le Duc.

Au « quartier du roi, » établi à Therville, au sud-est et à environ 200 mètres de la place, le duc d’Auguien avait gardé auprès de lui la fleur de son infanterie, nos connaissances de Rocroy, — Picardie, Piémont, La Marine, Rambure, Mulondin, — et un régiment de formation récente, déjà fort beau, que Campi commandait pour le cardinal Mazarin et que le mestre de camp titulaire voulait voir traiter sur le même pied que les gardes[1]. — Que le lecteur veuille bien accorder un moment d’attention à ce régiment : « Royal italien » est devenu la fameuse 17e légère de 96, le 17e' léger des guerres d’Afrique, enfin le 92e de ligne qui, dans notre agonie militaire de 1871, a tiré les derniers coups de fusil à Villersexel et à la Cluse de Pontarlier. — Les gendarmes et compagnies d’ordonnance étaient aussi à Therville, aux ordres directs de M. le Duc. Gassion était tout près avec sa cavalerie légère ; la ferme où il logeait a conservé son nom. M. de Gesvres avait son quartier au nord, près de Massom ; dans les corps qu’il avait amenés et qui l’entouraient, nous remarquons « Navarre, » un des « vieux, » qui eut pour noyau les gardes huguenots du roi Henri. Le reste des troupes à pied et à cheval était réparti dans quatre autres quartiers, dont deux sur la rive droite ; là commandaient Palluau et Sirot en remplacement de Grancey, qui, étant tombé malade, soit du chagrin de sa mésaventure du 19, soit du déplaisir d’être sous les ordres du marquis de Gesvres, avait dû demander un congé. Toutes les distances étaient considérables, le service était très lourd, très compliqué : vedettes, patrouilles, avancées, escortes pour la cavalerie ; grand’ gardes, terrassemens et corvées de tout genre pour l’infanterie, en attendant les travaux bien autrement fatigans et les périls du siège proprement

  1. Le Roi à M. le Duc, 25 juin.