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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril.

Toutes les politiques se mesurent et se jugent à leurs résultats, comme l’arbre est jugé à ses fruits : c’est une vieille vérité de bon sens qui ne sera certes pas démentie par l’histoire d’aujourd’hui, par l’état présent des affaires de la France. Les mauvaises politiques n’ont que de mauvais résultats, c’est d’une inexorable logique.

Évidemment il faudrait avoir une dose rare d’aveuglement de parti, d’optimisme ou d’illusion, pour ne pas voir de toutes parts, sous toutes les formes, les signes d’une situation, qui ne sera que transitoire, il faut en garder l’espérance, qui n’est cependant pour le moment rien moins que facile et rassurante. De quelque côté qu’on se tourne, en effet, on sent que tout s’est aggravé, que tout s’aggrave assez rapidement par le progrès des influences malfaisantes, par l’altération croissante de toutes les idées, de toutes les conditions de gouvernement, par ce déclin visible de toute politique sérieuse, auquel correspond le progrès d’un indéfinissable malaise d’opinion. — Ce n’est pas du rôle diplomatique assuré à notre pays qu’on peut tirer quelque orgueil aujourd’hui. Non vraiment, il n’y a pas de quoi ! La France n’a pas même les avantages du recueillement qu’elle s’était ménagé pendant quelques années après ses désastres, de cette neutralité toute pacifique et indépendante où elle s’était réfugiée. Elle n’a que les inconvéniens et les ennuis d’un isolement qu’on lui fait sentir, elle voit se former ces espèces de coalitions dont on exagère sans doute la portée, qui ne sont pas moins pour elle une sorte de menace ou d’avertissement et qui, dans tous les cas, veulent dire qu’avec elle on n’en est plus à se gêner. La France, à l’heure qu’il est, ne peut essayer de faire un mouvement sans rencontrer des résistances, des défiances qui peuvent la mettre dans l’alternative de laisser sans défense des intérêts sérieux ou de braver des conflits que sa raison désavouerait, qui ne