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Sur cette même grève ont passé, soucieux !
Vers ce même astre clair qui sur l’horizon rose
Ainsi qu’un clou d’argent étincelle et se pose,
Combien d’autres mortels ont élevé les yeux !

Pourquoi tant de regards tournés vers cette étoile ?
Voulaient-ils, ces rêveurs, percer le sombre voile
Qui d’un monde inconnu nous cache la clarté ?
Vermisseaux inquiets s’agitant sur la terre,
Voulaient-ils arracher à l’astre le mystère
Enviable et lointain de sa placidité

N’était-ce pas plutôt dans ces momens d’ivresse
Où tout l’être exalté déborde de tendresse
Que leurs regards montaient vers la pâle lueur ?
Ne la prenaient-ils pas pour douce confidente
De leurs espoirs combles, et d’une voix ardente
Ne lui contaient-ils pas l’histoire de leur cœur ?

Partez, envolez-vous vers les profondes voûtes,
Tristesses et bonheurs, espérances et doutes,
Grandiose soupir de ce monde anxieux ;
De tout temps, Isolé dans sa faiblesse extrême,
L’homme chercha là-haut comme un autre lui-même :
La joie et la douleur font regarder les cieux.


JACQUES NORMAND.