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CHINE ET TONKIN

L’entrée triomphale de régimens français dans le palais d’été du Fils du Ciel à Pékin n’est pas l’un des événemens les moins curieux de ce siècle, mais il se produit en ce moment un fait beaucoup plus important au point de vue européen, c’est la tendance absolument nouvelle de l’empire chinois à vouloir, — après tant d’années d’effacement, — reprendre en Asie une situation prépondérante. Ses richesses, son étendue, sa population, paraissent lui revenir en mémoire et lui imposer des devoirs dont il n’avait plus souci.

La Chine, arriérée au point de jeter à la mer le matériel d’un chemin de fer roulant entre Shanghaï et Wosung, a demandé pourtant aux nations qui inventèrent cette chose absurde, « les transports rapides » ce qu’elles avaient de mieux en canons et en torpilles. De nos sciences utiles, de nos découvertes pacifiques, elle n’a voulu, jusqu’à présent, que ce qui pouvait augmenter ses moyens de défense ou lui permettre d’attaquer au besoin des voisins plus faibles qu’elle. L’Angleterre, les États-Unis, l’Allemagne, lui ont fourni tout ce qu’elle a voulu en ce genre, et le trésor impérial chinois, seul, sait à quel prix. Elle a dépensé à cela une telle quantité de piastres que, de bonne foi, elle peut se croire invulnérable et en état de partir en guerre.

Quant à nous, en raison de la présence de troupes françaises à Saïgon et sur la rivière Rouge du Tonkin, c’est-à-dire à quelques kilomètres de la frontière chinoise, un devoir nous est imposé : celui