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Bourgeois, et ceux découverts ensuite en Portugal dans un terrain plus récent, mais incontestablement tertiaire, sont authentiques, ou si l’on n’aurait pas confondu avec des objets intentionnellement façonnés de simples éclats et des fragment naturels.

Les notions relatives aux vestiges présumés de la présence et de l’industrie de l’homme, à l’époque tertiaire, ont été exposées avec une parfaite lucidité et une rare bonne foi par M. de Mortillet, à qui il est juste de rendre ce témoignage ; mais a-t-il réussi à apporter des preuves décisives à l’appui de sa conviction ? C’est là tout, autre chose et, en dehors de la théorie abstraite, une fois que les os rayés, incisés ou impressionnés ont été mis de côté, comme dus plutôt à la dent des animaux qu’à l’action de l’homme, une fois que les sépultures et les ossemens prétendus tertiaires ont été rejetés comme douteux ou introduits postérieurement à la formation du terrain qui les renferme, il ne reste comme dernier élément de la question à résoudre que les silex eux-mêmes, recueillis par l’abbé Bourgeois et considérés par lui comme taillés intentionnellement. Or Thénay est placé fort bas dans la série géologique des étages, telle que la donne M-. de Mortillet. Il appartient au calcaire de Beauce, rangé lui-même dans l’aquitanien, c’est-à-dire dans le miocène inférieur, sous les sables de l’Orléanais et sur un niveau antérieur à celui de Sansan, dont la faune comprend les anthropomorphes dont nous avons parlé.

À ce moment, l’existence des rhinocéros est encore douteuse ; les mastodontes ne se montrent pas, les éléphans sont très éloignés ; les ruminans inaugurent à peine leur évolution. ; les hipparions, ces prédécesseurs des chevaux, ne feront leur apparition que longtemps après ; les marsupiaux achèvent de disparaître et les carnassiers ne sont représentés que par des types ambigus. Aucune des formes animales qui devront accompagner les premiers pas de l’homme, aucune de celles qu’il aura à combattre ou qu’il lui faudra asservir, ne se laisse apercevoir. C’est pourtant au milieu de cette nature à l’état d’ébauche que l’homme serait venu se placer, déjà en possession du feu ! C’est au moins peu probable a priori. Il faudrait, pour en acquérir la conviction, pouvoir invoquer d’autres séries de documens que ceux qu’on nous présente et qui consistent, il faut le dire, bien qu’ils aient été choisis entre plusieurs milliers, en quelques nucléus irréguliers, craquelés à la surface et entourés le long des bords d’une ceinture de petits éclats supposés intentionnels. C’est évidemment quelque chose, mais ce n’est pas suffisant en regard des invraisemblances accumulées qui semblent se réunir pour conseiller de ne pas ajouter foi à de pareils indices. — L’être assez intelligent pour présenter au feu, qu’il aurait allumé et entretenu, des silex pareils, et à les façonner à l’aide de retouches ne se serait pas certainement arrêté à ce premier pas. Il en aurait franchi plusieurs rapidement,