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Mais les bruits les plus fâcheux ont commencé à courir au sujet de l’état des négociations engagées entre le ministère et les compagnies. M. Raynal, disait-on, n’avait ouvert les pourparlers que pour la forme. Dès les premières entrevues, on avait pu constater un tel désaccord entre les vues de chacune des deux parties, qu’aucune entente ne paraissait possible. Le ministère jugeait même inutile de continuer des efforts voués fatalement à l’insuccès ; l’état devait conserver la charge de l’exécution des travaux publics, et, dès maintenant, il fallait pourvoir aux voies et moyens par un appel au crédit et l’émission d’un emprunt d’un milliard en rente amortissable.

Ces nouvelles étaient, il faut le croire, complètement inexactes, puisque le ministre des finances a cru de voir les frapper d’un démenti formel et catégorique. Seulement, au lieu de se servir pour cet objet du Journal officiel, qui est l’organe du gouvernement et par lequel il eût fait savoir dès le matin, urbi et orbi, que la Bourse n’avait pas à compter avec l’éventualité d’un emprunt, M. Tirard a eu recours à un procédé qui, plus d’une fois déjà, avait produit les plus fâcheux résultats. Il a fait avertir la chambre syndicale par un adjoint au syndic, et il a envoyé une petite note à l’agence Havas. Ce n’est donc que tardivement et à l’heure où les transactions étaient déjà ouvertes à la Bourse que le public financier a été admis à connaître les secrets du ministère. En quelques minutes, le 5 pour 100 montait de près de 70 centimes ; il est vrai que cette plus-value a été presque aussitôt reperdue que gagnée.

Les capitalistes des départemens, avertis le lendemain seulement qu’un emprunt n’était pas à redouter, commençaient à peine à se remettre de leurs alarmes, et déjà le bruit s’accréditait que, bien loin d’être rompues, les négociations avec les compagnies suivaient une très bonne voie, lorsque une note parue hier matin dans le journal le Voltaire, et confirmée le soir par une autre note du Temps, est venue apprendre aux rentiers porteurs de titres de 5 pour 100 que leur revenu allait être réduit de 5 pour 100 à 4 1/2 pour 100, sur quoi le 5 pour 100 a fléchi de nouveau de près de 1 franc et était offert hier soir sur le marché libre à 113 francs. Voici, d’après les deux notes en question, dont le caractère officieux parait suffisamment établi, comment la situation se présente en ce moment.

Il est admis tout d’abord que les deux questions de la conversion et des négociations avec les compagnies sont connexes et que de la solution donnée à la seconde dépend le sort de la première. Commençons donc par les négociations. Il y a maintenant lieu d’espérer qu’on arrivera à une entente. Trois questions ont été examinées jusqu’ici : 1° celle des tarifs ; 2° celle de l’emploi des excédens des compagnies ; 3° celle de la répartition des travaux de construction des nouvelles lignes. L’état renoncerait à imposer des obligations trop rigoureuses aux