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éventuellement la cavalerie française en temps de guerre, il était naturellement désigné pour présider aux manœuvres d’instruction, à l’exécution du règlement qu’il connaissait mieux que tout autre, puisqu’il l’avait fait. Aussi, dès le mois de janvier, le dernier ministre de la guerre, M. le général Billot, n’avait-il pas hésité à charger M. le général de Galliffet de la direction supérieure des manœuvres du printemps, en y joignant une opération d’une certaine importance, une grande reconnaissance de la frontière de l’Est entre Montmédy et Épinal. C’était une opération qui devait familiariser les chefs de notre cavalerie avec un terrain où ils pourraient être appelés à faire campagne, et qui n’avait d’ailleurs provoqué, à ce qu’il parait, aucune objection diplomatique. Ce que M. le général Billot avait fait au mois de janvier, M. le général Thibaudin l’adoptait il y a un mois, et, chose curieuse, le jour où l’affaire était débattue et décidée en conseil, M. le ministre de la guerre était le premier à défendre chaleureusement le commandant des manœuvres de cavalerie contre M. le président de la république lui-même, qui se fatiguait d’entendre toujours parler de M. de Galliffet. Le ministre de la guerre avait déjà expédié les ordres pour les manœuvres, lorsque tout à coup, après quelques jours, il se ravisait. Il préparait une circulaire révoquant toutes ses dispositions précédentes, fractionnant la direction des manœuvres, enlevant, par le fait, son commandement à M. le général de Galliffet.

Que s’était-il donc passé ? Le ministère de la guerre avait été envahi dans l’intervalle par une foule de petits personnages radicaux exhalant leurs colères contre M. de Galliffet, assiégeant le ministre de leurs récriminai ions. Pressé de tous côtés par ces amis compromettans dont il se sert et qui se servent encore plus de lui, M. le général Thibaudin s’est rendu, livrant à des ressentîmes de parti ces manœuvres d’ensemble, que peu de jours auparavant il jugeait si utiles pour l’instruction de notre cavalerie, et surtout le chef qui devait les commander. Il avait tout changé d’un trait de plume sans rien dire à ses collègues du gouvernement, au président du conseil. Il avait fait sa circulaire, il l’avait même confiée à un journal radical, impatient de la publier, et il avait eu aussi, dit-on, l’extrême obligeance de faire prévenir M. le général de Galliffet de se tenir tranquille, de s’estimer heureux qu’on ne lui enlevât pas du même coup le commandement de son corps d’armée ; mais c’est ici que tout se complique. M. le ministre de l’intérieur, qui a la surveillance du Journal officiel, arrêtait sans façon au passage la nouvelle circulaire de M. le général Thibaudin, sous prétexte que ce qui avait été décidé en conseil ne pouvait être révoqué par le ministre de la guerre seul, — et voilà le conflit engagé dans le gouvernement ! Il a été, à ce qu’il parait, assez vif pendant quelques jours entre le chef officiel de l’armée et le chef du cabinet, soutenu par quelques-uns de ses collègues ; les explications