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mêlés à des peintures de l’École de Bologne, fort appréciée à cette époque, et à quelques méchantes copies faites en Italie par un peintre nommé Ramondon, fils d’un réfugié français. Citons enfin parmi les autres tableaux qui se trouvent dans le palais, un Jugement de Pâris de Luca Giordano, des vues de Venise de Canaletti et quelques ouvrages de l’école hollandaise provenant d’un héritage de la maison d’Orange et que, peu de temps après l’avènement de Frédéric, Knobelsdorf était allé chercher en Hollande.

Les sculpteurs français recevaient aussi à ce moment d’importantes commandes du roi de Prusse. Lemoyne exécutait pour lui une statue d’Apollon, Vassé une Diane et Coustou un Mars, et surtout une Vénus fort admirée au Salon de 1769. François Adam, un jeune frère de Sigisbert qui avait également travaillé pour Frédéric, était en 1748 appelé par celui-ci à Berlin, où il restait jusqu’en 1760, et faisait pour son compte un grand nombre d’ouvrages destinés à l’ornementation des palais et des jardins de Potsdam. Enfin, tandis que son compatriote et son ami, G. Wille, se décidait à se fixer à Paris, un autre graveur allemand, G.-F. Schmidt, qui, comme lui, s’était perfectionné en France dans son art, revenait à Berlin et continuait à y produire ces planches dans lesquelles, pour faire parade d’une habileté technique d’ailleurs très réelle, il sacrifie parfois un peu trop l’aspect de l’ensemble au fini des détails.

Enfin, désireux de grouper autour de lui tout ce qui pouvait ajouter quelque éclat ou quelque intérêt aux lieux qu’il habitait, Frédéric avait fait tirer du trésor et du château de Berlin les œuvres d’art les plus remarquables pour les réunir à Potsdam. On avait, à cette occasion, renvoyé de Magdebourg les objets précieux qu’à la suite de ses premiers revers dans la guerre de sept ans, la roi de Prusse y avait fait expédier pour les dérober aux chances d’un pillage. La précaution n’était point inutile, car les Russes avaient en 1760 envahi sa capitale et occupé Potsdam et Charlottenbourg. Dès leur retraite, d’Argens s’était empressé de rassurer Frédéric, qui tremblait pour ses collections, et l’avait informé qu’aucun dégât n’avait été commis à Potsdam ni à Sans-Souci. A Charlottenbourg, d’où le concierge s’était sauvé en chemise et à moitié mort, à Berlin, on avait pillé les tapisseries et les tableaux, mais, « par un cas singulier, comme dit d’Argens, on avait laissé les trois plus beaux : les deux Enseignes de Watteau et le portrait de la danseuse Beggiana, que Pesne a peinte à Berlin, » Quant aux antiques, dont le marquis semble faire assez bon marché, on les a, dit-il, « seulement renversés par terre ; les têtes et les bras de quelques-unes sont cassés, mais comme on les a retrouvés auprès des figures, cela sera fort aisé à raccommoder. » (19 octobre 1760.)

Frédéric, se croyant désormais à l’abri de pareille mésaventure,