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d’instruction artistique dont il ne pouvait espérer la brusque apparition dans son pays. Il avait donc cherché à s’assurer la collaboration d’artistes et d’ouvriers habiles en s’efforçait de les attirer à Berlin des diverses parties de l’Allemagne et de l’étranger. Les noms de la plupart d’entre eux et l’indication de leurs principaux ouvrages nous ont été conservés dans un inventaire dressé un peu plus tard par Mathieu OEsterreich, inspecteur de la galerie royale de Sans-Souci. Ce sont d’abord les sculpteurs Heymuller, Petschold, et P. Benckert, auxquels étaient dues les cariatides du grand escalier de Potsdam, et d’autres œuvres placées dans les jardins. Le dernier, de ces artistes était originaire de Bamberg et le roi prenait parfois plaisir à le visiter dans son atelier et à l’y voir travailler, un autre sculpteur, qui comme les trois premiers s’était fixé à Potsdam et devait y mourir, B. Gieze, était réputé pour ses ornemens en bronze doré, mais sans égaler cependant le talent de Svitzer. Celui-ci avait exécuté la décoration de plusieurs cheminées et surtout les médaillons contenant les figures de l’Astronomie, de la Musique, de la Peinture et de la Sculpture, ainsi que les trophées composés des attributs de chacune d’elles, qui ornaient les boiseries de cèdre de la bibliothèque de Sans-Souci, une pièce « vraiment galante et magnifique, » dit. OEsterreich, et qui est, en effet, d’un goût exquis. Quelques-uns des plafonds étaient du stuccateur Merck et c’est de Baireuth que le roi avait fait venir le brodeur Heinischeck, dont les encadremens et les passementeries d’argent qui garnissent plusieurs des tentures du château de Potsdam, s’harmonisent délicieusement, dans la chambre du roi par exemple, avec une étoffe de damas bleu-clair, semée de fleurs d’argent. Les meubles en bois sculpté, également garnis en argent, complètent cet ensemble d’une originalité et d’un effet charmans. Une balustrade en argent, surmontée d’Amours et portant entre chacun de ses piliers des touffes de pavots et de mignonnes fleurettes qui en allègent l’aspect, fermait la chambre et la séparait de la bibliothèque voisine[1]. Dans les appartemens, des tables en mosaïque, des armoires, des commodes et d’autres meubles en marqueterie d’écaille, garnis en argent ou en bronze doré, étaient l’ouvrage d’un nommé Spindler, aussi originaire de Baireuth, et de trois Suisses, les frères Calame et Melchior Kambly de Zurich.

Mais le plus habile de tous ces artistes, celui qui, sous les ordres de Knobelsdorf, avait la direction des travaux, J -Auguste Nahl, était un homme d’un véritable talent. Après avoir reçu de son père, — un sculpteur qui s’était également formé à la petite cour de

  1. Le mobilier de Versailles présentait avant la révolution plusieurs exemples de cette ornementation où l’argent remplaçait le cuivre doré, et Robert de Cotte, en 1717, avait également tiré parti de ce genre de décoration dans les ouvrages exécutés sous sa direction, pour le château de Brühl, appartenant à l’électeur de Cologne.