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d’introduire dans les entreprises adjugées par la ville de Paris. A partir de ce jour-là, on pourra dire que tous les bienfaits du système de la participation aux bénéfices seront perdus. Les ouvriers se croiront, en effet, en droit de se mêler de la gestion de l’entreprise et de critiquer le mode de supputation des bénéfices. Associés au gain, ils le voudront pas être associés à la perte, et l’on verra renaître tous les conflits d’intérêts qu’on aura rêvé d’apaiser. Mais le système de la participation aux bénéfices, à supposer qu’on lui conserve son véritable caractère, peut-il être considéré comme un remède à l’insuffisance des petits salaires ? Théoriquement cela est incontestable. En fait, et tel que ce système se pratique actuellement, il est permis d’en douter.

Dans un intéressant travail sur les patrons et les ouvriers de Paris, M. Fougerousse ne relevait en 1880 que 25 maisons ayant adopté sous une forme ou sous un autre le système de la participation aux bénéfices. Mettons que ce chiffre se soit quelque peu accru depuis. En revanche, il en faut défalquer plusieurs maisons de banque et compagnies d’assurances qui ne comptent à leur service que des employés. Le nombre des ouvriers proprement dits qui participent aux bénéfices de leurs patrons est donc infiniment petit, et dans les maisons où les ouvriers sont nombreux, le bénéfice annuellement réparti entre eux est assez mince. Comment s’opère cette répartition des bénéfices ? Généralement au prorata des salaires, et d’après ce principe que celui qui aura touché pendant l’année le plus fort salaire touchera aussi la plus forte part de bénéfices. Il n’y a que deux maisons où l’on s’écarte de ce principe. Dans l’une, la répartition a lieu par tête ; dans l’autre, on fait également entrer en ligne de compte le nombre des journées de travail. Mais c’est là une exception. Partout ailleurs on met en pratique cette parole de l’évangile : « Il sera donné à celui qui a ; » parole toute mystique dont il est cependant curieux de rencontrer dans les faits la constante application. On comprendra donc que je ne puisse voir dans le système de la participation aux bénéfices, tel qu’il est pratiqué actuellement, un remède à l’insuffisance des salaires.

Ce serait assurément une lacune que de ne pas signaler parmi les moyens qui peuvent amener pacifiquement la hausse des salaires, la diffusion de l’enseignement professionnel. Les avantages de l’enseignement professionnel ressortent de toutes les lignes de cette étude. Nous avons vu, en effet, que de toutes les professions les plus désavantageuses sont celles qui peuvent être embrassées sans instruction préalable et dans lesquelles l’ouvrier n’apporte que la vigueur de ses bras. Cependant, il faut aussi faire remarquer que ce remède est plutôt individuel que général, c’est-à-dire que l’enseignement professionnel peut permettre à tel individu déterminé