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chaque jour d’attraper, travaillant en nage dans un courant d’air, ce que, dans la langue populaire, on appelle un chaud et froid, prélude de la fluxion de poitrine et de la phtisie ; l’homme d’équipe qui, dans les gares de chemin de fer, pousse les wagons et graisse les roues des voitures ; l’homme, en un mot, voué à la peine, comme son dur nom l’indique, celui-là combien gagne-t-il ? Dans les grandes administrations, où il est très bien payé, 4 francs, quelquefois 3 fr. 75, le plus souvent 3 fr. 50, quelquefois moins. Ne faut-il pas, en effet, rangée dans la catégorie des hommes de peines ces balayeurs de la ville de Paris qui, par tous les temps, hiver comme été, sont obligés de se lever au milieu de la nuit pour commencer, dès la pointe du jour, le nettoyage des rues, balayer la neige ou la crotte, et auxquels, pour ce dur métier qui a l’avantage de n’exiger d’autre aptitude que deux bons bras, on donne 3 fr. 25 ? Aussi trouve-t-on peu d’ouvriers Parisiens d’origine pour manier le balai municipal : ce sont généralement des ruraux qui sont venus échouer à Paris ou des étrangers, autrefois des Allemands, aujourd’hui des Italiens. Il y a toute une colonie de ces derniers dans une de ces ruelles qui se cachent entre le boulevard Saint-Germain et le quai, à la hauteur des Thermes de Julien, et qui a nom rue de la Parcheminerie. Une grande maison à plusieurs étages en est bondée ; ils vivent là sept ou huit ensemble, maris et femmes, ou soi-disant tels, dans des chambres qu’ils paient jusqu’à 250 francs par an. Quelques-unes de ces chambres ne sont éclairées que par un châssis situé à six ou huit pieds au-dessus du sol. Il n’y entre jamais un rayon de soleil, et ce sont des Italiens !

Ce salaire de 3 fr. 25, est-ce un minimum ; ? Non ; on trouve encore des hommes de peine à 3 francs et même à 2 fr. 75. J’ai rencontré un chargeur aux bureaux ambulans, dans les gares de chemins de fer, auquel l’administration des postes n’allouait que 2 fr. 60. Mais ceux-là sont en général des débiles, payés en proportion des services qu’ils rendent ; et c’est à 3 fr. 50 ou 3 fr. 75 par jour qu’il faut fixer à Paris le salaire du véritable homme de peine. Nous avons vu que, dans l’industrie, si bien payée, du bâtiment, le guetteur chargé d’avertir les passans est payé 3 fr. 50 par jour.

Jusqu’ici je n’ai parlé que des professions régulières et. classées, dont les salaires courans sont fixés par des tarifs ou par l’usage. Mais, en dehors de ces professions, il existe sur le pavé de Paris un certain nombre d’individus qu’il n’est pas possible d’assimiler complètement aux salariés, parce qu’ils vivent des produits d’une petite industrie, et dont le gain journalier est souvent fort au-dessous de celui des salaires les plus humbles : marchands des quatre