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ni cesser de réclamer de la boulangerie parisienne un abaissement du prix du pain en partie proportionnel à l’abaissement du blé.

Si la consommation moyenne du pain tend à diminuer dans Paris, il n’en est pas de même de la consommation de la viande, qui, au contraire, a augmenté considérablement depuis dix ans. En 1872, Paris a consommé 2,260,096 têtes de bétail de toute nature, bœufs, veaux, moutons et porcs entrés aux marchés de La Villette. En 1880, la consommation s’est élevée à 2,965,220, soit une augmentation de près de 700,000 têtes de bétail. À cette consommation il faut encore ajouter la vente à la criée aux Halles centrales, qui, de 18,150,660 kilog. en 1872, a passé à 29,643,945 kilog. en 1880. À cette augmentation considérable de la viande consommée correspond, il est vrai, un accroissement assez notable de la population, mais, tout compte fait, il n’est pas douteux que la consommation de la viande n’ait augmenté individuellement. Notons en passant que la France est loin de fournir à elle seule à la consommation parisienne, et que, sur ces 2,965,220 têtes de bétail, il y en a 1,119,362, dont 1,089,486 moutons, venant de l’étranger. A supposer que l’accès des marchés français fût fermé au bétail étranger, la France serait-elle en état de subvenir au déficit en ce qui concerne la seule ville de Paris ? Cela est fort douteux, et il faut espérer qu’on ne découvrira pas un jour que ces moutons sont infectés de quelque maladie pour en interdire l’entrée, comme on a fait, sous couleur de trichine, pour les lards d’Amérique, au grand détriment des classes populaires.

Cette augmentation de la consommation a-t-elle provoqué une hausse du prix de la viande ? Il n’en est rien. Il y aurait même une tendance à la baisse si l’on ne considérait que les pris de la vente en gros, qui sont dans une certaine mesure les régulateurs du marché[1]. Mais, d’autre part, il est certaines denrées qui ont leur part dans la consommation populaire et qui ont assez sensiblement haussé : le beurre, les œufs, le fromage[2]. Je ne parle pas de la volaille, qui a tout simplement doublé, car la volaille est un aliment de luxe, mais il ne faudrait pas croire pour cela que l’ouvrier n’en fasse pas usage. L’ouvrier parisien est un gourmet

  1. Le prit du kilogramme de bœuf vendu à la criée ans Halles centrales est descendu de 1 fr. 43 en 1872 à 1 fr. 35 en 1880 ; le prix du kilogramme de veau de 1 fr. 56 à 1 fr. 48 ; le prix du kilogramme de mouton de 1 fr. 58 à 1 fr. 41. Le porc seul a légèrement haussé de 1 fr. 43 à 1 fr. 50.
  2. Les beurres ont passé, prenant toujours les prix moyens de ventes à la criée aux Halles, de 2 fr. 69 le kilogr, en 1872 à 2 fr. 97 en 1880 ; les œufs de 78 fr. 63 le mille à 83 fr. ; les fromages de 0 fr. 72 à 0 fr. 95 le kilogramme.