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ses engouemens faciles et aussi avec ses brillantes qualités, sa promptitude de compréhension, sa générosité ? — Et pour généraliser la question, n’est-il pas évident que, si l’on compare les races humaines, l’hérédité mentale s’y manifeste en grand ? Toutes ne participent pas aux mêmes aptitudes de l’esprit. La race blanche est plus intellectuelle que les races colorées, chez lesquelles on ne peut pas rencontrer d’hommes ayant fait des découvertes scientifiques. Et même, dans la race blanche, quelle variété d’aptitudes héréditaires ! Certains groupes, par exemple, ne comprennent pas que, pour arriver à certaines fins, il est indispensable d’avoir une méthode : ils sont incapables d’observer scientifiquement. Cette faculté distingue les peuples européens ou d’origine européenne des peuples orientaux. De là une conséquence grave : il ne suffit pas d’introduire chez les peuples arriérés des moyens d’instruction, des industries, des causes favorables aux sciences pour susciter de vrais savans ; il faudrait pouvoir modifier toute l’hérédité mentale, l’esprit et les penchans devenus instinctifs. On le voit très bien en Turquie, en Égypte, dans l’Inde, où la civilisation européenne commence à pénétrer chez des hommes de la même race que la nôtre au point de vue extérieur, mais très différens sous le rapport intellectuel[1]. Il est difficile d’éveiller en eux ces deux grandes aptitudes, la curiosité scientifique et le goût de la méthode. C’est le patrimoine de la vieille Europe, et il lui restera jusqu’à ce que l’évolution ait fait son œuvre. — Quoi qu’on fasse, les faits individuels ne prouvent pas grand’chose dans cet ordre de phénomènes. On a beau les interroger, les réponses qu’on obtient sont plus ou moins obscures et sujettes à mille restrictions ; la loi s’efface à mesure que l’horizon de l’observateur se restreint ; il reste seulement des cas d’analogie et d’uniformité curieuses. La preuve se relève et se fortifie singulièrement quand elle porte non plus sur les individus, mais sur les ensembles. Ici se manifeste avec éclat la loi de l’hérédité par la transmission des traits intellectuels ou moraux qui forment le caractère national d’un peuple ou le type psychologique d’une race. Il n’y a là qu’une contradiction apparente et nous en donnerons la raison dans les conclusions de cette étude.


II

Nous avons à juger maintenant cette tentative qu’on a faite pour réduire à la loi d’hérédité tous les phénomènes intellectuels et

  1. A. de Candolle, Histoire des sciences, p. 283.