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les premiers bataillons qu’il a pu réunir et quelques escadrons de la réserve et de l’aile droite. Il est repoussé trois fois par un feu terrible d’artillerie et de mousqueterie.

Toutes les troupes françaises se rallient et se rapprochent. A la quatrième charge, les Espagnols naturels, abordés de trois côtés, à bout de forces et de munitions, sont enfoncés. Tous ceux qui échappent au carnage sont faits prisonniers. Fontaine a été tué. Le capitaine-général parvient à s’échapper et rejoint l’armée de Beck, qui se replie sur Philippeville sans avoir paru sur le champ de bataille. La perte des Espagnols peut être évaluée à sept ou huit mille morts, six ou sept mille prisonniers, presque tous blessés, vingt-quatre bouches à feu, cent soixante-dix drapeaux, quatorze cornettes, vingt guidons, dix pontons, un butin considérable, un trésor important[1], la chaise sur laquelle avait été tué le brave Fontaine[2] et le bâton de commandement abandonné par Melo[3].

Les Français comptaient environ deux mille hommes tués, dont trois chefs de corps, d’Ayen, d’Altenove et d’Arcombat, dix-huit capitaines et presque tous les gardes de M. le Duc[4], autant de blessés parmi lesquels nous remarquons, outre L’Hôpital et La Ferté, les mestres de camp Beauvau, Persan et La Trousse.

Commencée entre trois et quatre heures du matin, la bataille de Rocroy était terminée à dix heures. C’était la victoire la plus complète et la plus éclatante remportée par nos armes depuis un siècle ; car il y avait cent ans que l’armée espagnole d’Italie avait été arrêtée dans la plaine de Cérisoles par François de Bourbon, comte d’Anguien.


Henri d’Orléans.

  1. Un mois de solde pour toute l’armée.
  2. Cette chaise donnée par le duc d’Anguien au major de place Pierre Noël, fut offerte par l’arrière-petite-fille de cet officier à l’un des derniers princes de Condé, qui la fit placer dans la galerie des armures de Chantilly. On la voit aujourd’hui au Musée d’artillerie.
  3. Ce bâton, tout couvert d’inscriptions qui rappelaient les précédentes victoires du capitaine-général, a été célébré dans un petit poème latin : Canna Melonis, pugna Rocroyana ; Parisiis, 1643.
  4. Entre autres, les deux officiers présens à la bataille, le lieutenant et l’exempt. Saint-Evremond, titulaire de la lieutenance, était absent.