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présence d’esprit dans les premières heures de la bataille, disparaît à ce jour et mérite de ne pas être oublié) ; Hessy, major de Molondin ; les mestres de camp Marolles, Menneville, vidame d’Amiens et La Prée ; les colonels étrangers Raab, Vamberg et Sillart ; les capitaines d’Hédouville, de Laubespin, de Pontécoulant, etc. — L’infanterie française avait repris confiance en elle-même ; mobile, exercée aux manœuvres, elle avait bien supporté le canon, montré de la constance ; il n’y eut pas de débandade, les unités avaient été bien conduites, sans confusion, même au moment où la direction générale avait manqué. La force était dans les vieux régimens, et « la force de ceux-ci était dans les officiers, » selon l’expression du duc d’Anguien, qui, quelques jours plus tard, s’élevant contre une de ces mesures d’économie malencontreuses, trop souvent répétées, réclamait le rétablissement de « l’enseigne[1] » supprimé dans chaque compagnie. — Quelle différence dans la conduite de nos escadrons lorsqu’ils suivaient Anguien et Gassion, ou lorsqu’ils étaient dirigés par La Ferté et L’Hôpital, à qui les longs services et le courage n’avaient pas pu donner le jugement et le coup d’œil ! En somme, ce fut une glorieuse journée pour la cavalerie française, une réhabilitation, une charge continuelle ou plutôt une suite de mêlées, d’engagemens rapides, où le trot et le pistolet étaient plus employés que le galop et l’arme blanche. Cependant il y avait des chocs violens où l’épée jouait son rôle ; les blessures en témoignent[2].

Melo avait habilement tracé son plan ; ses mesures étaient bien prises ; l’exécution fut correcte jusqu’au moment où il se trouva en présence d’un adversaire audacieux ; dès lors l’inspiration lui manqua ; son esprit fut comme paralysé ; il se laissa surprendre, attaquer, battre sans pouvoir parer aucun coup, remédier à aucun accident. Il se conduisit honorablement sur le terrain, fut des derniers à quitter le champ de bataille ; presque tous ses officiers furent tués près de lui ; un seul écuyer l’accompagnait lorsqu’il rejoignit Beck ayant de s’arrêter dans la petite forteresse de Mariembourg, à six lieues de Rocroy. — Le comte d’Isembourg, la tête fendue, le bras cassé, s’en va d’une traite jusqu’à Charlemont (12 lieues) ; sa force physique était à la hauteur de son courage. Il lui avait manqué un certain degré d’autorité pour empêcher la dissémination de ses troupes ; mais il avait du coup d’œil sur le terrain et s’était montré bon officier de cavalerie, vaillant, tenace, rapide

  1. Sous-lieutenant d’infanterie.
  2. Les écrivains étrangers estiment que le nombre des officiers mêlés à la troupe fut une des causes de la supériorité de la cavalerie française.