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Déjà M. le Duc, arrivé près de la gauche, avait pris quelques bataillons de la seconde ligne et les avait placés en écharpe pour recevoir le premier choc. Déjà, les troupes de La Ferté revenaient, décousues et plus vite que le pas, suivies au trot par la cavalerie d’Alsace, qui entrait en ligne. Mais cette cavalerie fit halte comme le reste de l’armée espagnole, sans dépasser le marais. Le calme était rétabli, et le courroux du général en chef s’était aussi apaisé quand il reçut les excuses de son lieutenant.

Il est trop tard pour rien entreprendre, il faut attendre l’aube. L’armée passera la nuit en ordre de bataille, prête à recevoir l’ennemi, en cas d’attaque nocturne, ou à commencer le combat au point du jour. Le duc d’Anguien répète ses instructions à L’Hôpital et à La Ferté, qui resteront à l’aile gauche. Leur rôle pour la journée du 19 est d’engager l’escarmouche et de soutenir le combat sans prendre l’offensive, avant que l’aile droite ait obtenu un avantage marqué. Tous deux assurent leur général qu’ils rempliront exactement ses intentions. La Ferté exprime de nouveau son regret du faux mouvement qui a failli compromettre le salut de l’armée ; il devait retomber exactement dans la même erreur le lendemain matin.

Le duc d’Anguien veut donner lui-même l’ordre aux officiers et passer devant le front des troupes en retournant au poste qu’il a choisi. Il trouve d’abord des visages assombris ; le tir effectif de l’artillerie espagnole, la faiblesse de la riposte de l’artillerie française, le trouble qui s’était produit à notre aile gauche, la fière allure de l’infanterie ennemie s’avançant au pas de charge, tous ces incidens avaient rappelé les fâcheux souvenirs des campagnes précédentes. L’attitude résolue du général en chef, les mâles paroles qu’il sut adresser à tous ramènent un peu de cette confiance qu’avaient fait naître le bon ordre de la marche, l’heureux passage des défilés.


VIII. — LA REVUE DU 18 MAI ET LA NUIT DU 18 AU 19.

Louis de Bourbon était de stature moyenne, mince, bien proportionné, d’apparence délicate, mais musculeux et rompu aux exercices du corps, au maniement des armes et du cheval. La moustache naissante recouvrait à peine une lèvre un peu épaisse ; la bouche était grande, le menton fuyant, les pommettes saillantes ; le profil très arqué exagérait ce qu’on est convenu d’appeler le type bourbonien ; il avait le front superbe, les yeux bleu foncé, un peu à fleur de tête, mais très beaux, le regard pénétrant, et dans toute sa