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droite, les Italiens, à leur gauche, les Comtois ou Bourguignons, et derrière eux, sur deux lignes, les Wallons et les Allemands. C’est « la bataille. » Rien de plus imposant que cette masse de dix-huit à vingt mille hommes resserrés sur un front de 800 mètres et formant comme une phalange, où l’œil distingue à peine l’écart des trois lignes et les intervalles qui séparent entre eux les huit bataillons de la première ligne. Fontaine est à la tête de cette redoutable infanterie ; parmi ceux qui le secondent on ne saurait oublier l’héroïque Velandia, les mestres de camp Ribeaucourt, Visconti, Ritberghe et Grammont, dont le nom est si connu dans la vallée de la Saône ; aujourd’hui encore les régimens espagnols Zamora (8e de ligne), Soria (9e) et Galice (19e) sont fiers de la généalogie militaire qui les rattache aux tercios commandés en 1643 par Garcies, Villalva et le sergent-major Juan Perez de Peralta.

Les cent cinq cornettes de cavalerie de don Francisco Melo sont aux deux ailes. A la gauche, le duc d’Albuquerque conduit les compagnies des Flandres et du Hainaut groupées en quinze escadrons ; il a auprès de lui don Juan de Vivera et don Pedro de Villamer. A la droite, le vaillant comte d’Isembourg amène la cavalerie d’Alsace, troupe éprouvée ; ses quatorze escadrons, qui étaient campés de l’autre côté de la place, arrivent successivement. D’une extrémité à l’autre de la ligne espagnole, on mesure un peu plus de 2,000 mètres. C’est vers sa gauche qu’elle est débordée par l’armée française. Cependant, le capitaine-général, entouré de ses gentilshommes, de ses écuyers et secrétaires, se place près de son aile droite. Il juge que le marais, l’étang, quelques ravins qui les avoisinent, peuvent favoriser une tentative de secours ; il veut y regarder de près ; car il incline toujours à croire que tout cet attirail de l’ennemi peut bien n’avoir d’autre but que de retarder la prise de Rocroy. Ce n’est peut-être pas un résultat proportionné à l’effort ; mais les Français sont si glorieux ! On lui offre un cartel ; sera-t-il forcé de l’accepter ? N’a-t-il pas vu, l’année précédente, deux maréchaux de France mettre leurs armées en bataille devant ses lignes et se retirer sans combat après lui avoir laissé prendre La Bassée sous leurs yeux ? En tout cas, il faut attendre les troupes du Luxembourg. Éternelle légende du corps d’armée qui doit décider la victoire et qui n’arrive jamais !

Le canon espagnol continue de tirer et soutient son feu depuis une heure quand les douze pièces françaises peuvent être mises en batterie pour riposter ; elles sont moins bien servies, de moindre calibre et font peu de dommage, tandis que nos pertes sont sensibles. Cette canonnade nous enleva de trois à cinq cents hommes sans troubler l’ordre et la précision de nos mouvemens. Un peu