veut et le voudra, quoi qu’on dise, toutes les fois qu’il s’agira pour lui d’enlever un succès au théâtre. M. Saint-Saëns nous l’a prouvé de reste dans son Henry VIII. On vient de voir le quatuor du quatrième acte, prenons le finale du troisième.
En quoi l’architecture de ce morceau diffère-t-elle de la coupe ordinaire ? Il s’ouvre par un appel de trompettes, ce qui signifie en style d’opéra que nous allons avoir le roi et la reine comme dans les contes de fées. Alors commence le défilé sur une phrase liturgique en accords plaqués et traitée un peu trop à la manière d’une leçon d’harmonie : entrée du roi et de la reine, le tyran en majeur, la victime en mineur, c’est de règle ; immédiatement après, la procédure s’engage, et nous assistons à la scène de Shakspeare, moins le discours de Henry VIII, que remplace une cavatine sur le mode plaintif, souverainement dite par la Krauss, et, pour terminer en frappant le grand coup, un de ces tutti formidables sans lesquels ne saurait conclure un finale italien qui se respecte. A l’Opéra, ces motifs de bravoure s’appellent désormais des Marseillaises ; nous eûmes ainsi la Marseillaise de Roland à Roncevaux, puis celle du Tribut de Zamora : « Enfans de l’antique Ibérie, » chantait M. Gounod. « Les fils de la noble Angleterre, » s’écrie M. Saint-Saëns : toujours la même ritournelle et toujours, de la part du public, la même acclamation ; ceci, encore une fois, pour dire qu’il n’y a pas au théâtre de forme si usitée, si rebattue à laquelle un musicien ne sacrifie ses principes à tel ou tel moment donné ; de Gluck, utilisant à d’autres fins et dans des situations différentes ses premières inspirations, à Mozart, écrivant le second air de dona Anna et subissant, en vue du succès, les caprices de sa virtuose ; de Mozart à Weber, le moins intransigeant des maîtres, parce qu’il est le plus mélodiste de tous, à Meyerbeer, le plus français et le plus italien des Allemands ; de Meyerbeer à Berlioz, à M. Thomas, à M. Gounod, tous l’ont fait et tous le feront, parce que, en dernière analyse, il n’y a pas de droit contre le droit du public, qui est d’être amusé, intéressé et de planter là qui l’ennuie. Les concessions ! M. Saint-Saëns ne les a, Dieu merci ! pas épargnées ; sa nouvelle œuvre en est pavée et je l’en félicite de grand cœur. Loin de lui reprocher aucune apostasie, je l’accuserais, au contraire, de n’avoir point osé rompre assez ouvertement avec son église. Partition pleine de richesses, cet Henry VIII offre, à mes yeux, une certaine disparate ; j’y vois trop l’expérimental : chose étrange, l’orchestre même y trahit de l’indécision ; moins homogène et surtout moins original qu’il ne l’était dans le Déluge et dans Samson et Dalila, le gris prédomine, peut-être par la faute des instrumens de bois, — clarinettes, bassons, hautbois, — dont l’auteur a renforcé le groupe et qui font nasiller la symphonie. Mozart mettait ses rythmes dans les voix, nous les mettons à présent dans l’orchestre, ce qui donne à un opéra la couleur d’une symphonie avec