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bandes descendues du Vulture, après avoir été rejointes par le général sous les ordres duquel elles allaient se placer, occupaient le bourg de Trivigno, dont la position inexpugnable commande la vallée du Basiento. Les troupes italiennes étaient peu nombreuses dans la province ; elles demandèrent des renforts à Naples, et, en attendant, ne se sentirent pas en mesure d’aller déloger de leurs cantonnement les forces commandées par Borgès. Celui-ci resta près de quinze jours à Trivigno sans être inquiété, s’occupant à organiser sa petite année, qui s’accroissait à vue d’œil. Il avait, en effet, dû reconnaître que la cause du monarque légitime était, au fond, parfaitement indifférente à ceux qui prétendaient avoir pris les armes pour elle, que l’appât du butin les faisait seul agir et que ce n’était que par cet appât qu’il pourrait recruter des soldats. Surmontant donc les répugnances de son honneur, il avait promis à ceux qui voudraient le suivre le pillage des villes dont ils s’empareraient de vive force. A dater de ce jour, les recrues commencèrent à lui arriver et les bandes qui avaient répondu à son appel montrèrent plus d’ardeur, plus de disposition à la lutte.

Bientôt on s’enhardit à exécuter quelques pointes autour de Trivigno. Un détachement de bersaglieri, surpris en marche, fut détruit. Ce petit succès donna confiance, et Borgès crut le moment venu d’entamer des opérations sérieuses. Le 16 novembre, il emportait le bourg de Vaglio, dans le voisinage de Potenza. Conformément à sa promesse ce bourg fut mis à sac, et de tels excès y furent commis que le lendemain l’évêque de Potenza, qui pourtant sympathisait de cœur avec la cause bourbonienne, publia un mandement pour déclarer à ses diocésains que la conscience ne permettait pas à un chrétien de s’associer à des crimes de ce genre. Le 18, Borgès, évitant Potenza bien gardée, conduisait les mêmes bandes devant Pietragalla, d’où il espérait, par la forêt de Banzi, donner la main à celles de la Pouille et de la Capitanate.

Pas un soldat ne se trouvait dans le canton. La garnison la plus voisine était celle de Potenza, trop insuffisante pour oser s’aventurer hors de la ville. Les habitans de Pietragalla n’avaient donc aucun espoir d’être efficacement secourus ; ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes et peut-être sur les gardes nationales voisines. Plus de deux nulle hommes les cernaient. Ils ne prirent pas moins la résolution de résister jusqu’à l’écrasement plutôt que d’accueillir les brigands. Les rues du bourg furent barricadées à la hâte, les maisons crénelées, et l’on répondit par des coups de fusil aux sommations du cabecilla venu d’Espagne. La lutte se prolongea plusieurs heures malgré la disproportion des deux partis. Somme toute, en dépit des efforts de Borges, l’attaque était molle ; on ne parvenait pas à