Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/611

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la science. Grâce à sa provenance certaine, elle servira dans nos musées à classer des objets de même travail, arrivés sans certificat d’origine par la voie du commerce de Naples. Parmi les médailles, je constate avec un certain étonnement la présence de plusieurs tétradrachmes athéniens de la première émission, de celle qui eut lieu sous les auspices de Solon. Ce sont des témoignages matériels d’un commerce d’Athènes avec l’Italie méridionale et les populations œnotriennes, qui occupaient alors le pays, beaucoup plus ancien qu’on n’était porté à l’admettre jusqu’à cette heure. Le fait ainsi constaté donne une valeur inattendue aux traditions assez vagues sur les comptoirs que les Athéniens auraient eus, longtemps avant les guerres médiques, dans la Siris ionienne et à Scyllétion. De Siris par les deux routes naturelles que fournissaient la vallée du fleuve homonyme (le Sinno d’aujourd’hui) et celle de l’Aciris (l’Agri), traficans et marchandises pénétraient facilement, en quelques journées de marche, au cœur du pays qui fut plus tard la Lucarne. Voici enfin le fond d’un petit vase en poterie romaine lustrée, d’un rouge corail in, où se voit l’estampille bien connue d’un fabricant d’Arretium en Étrurie, Samia, affranchi de L. Tettius. Cette estampille, je l’ai retrouvée quelques jours après au musée provincial de Catanzaro sur deux fragmens découverts à Nicotera, vers l’extrémité de la Calabre, et à Strongoli, l’ancienne Petelia. On l’a signalée sur des vases trouvés en France, en Angleterre et dans les Provinces rhénanes. Ceci permet de mesurer la vaste étendue de l’aire géographique où rayonnaient, au commencement de l’empire, les beaux produits des manufactures arrétines, bientôt imités d’une manière si brillante par les céramistes gallo-romains.


II

Acerenza se nommait Acherontia dans l’antiquité. C’est une ville extrêmement ancienne. Sans remonter aux temps préhistoriques, à l’âge de la pierre polie, où une station humaine existait déjà sur sa montagne, il est incontestable qu’il y avait là une ville bien avant l’époque où les Lucaniens d’origine sabellique vinrent s’établir dans le pays et en firent la conquête. Cet événement, il est vrai, ne remonte pas plus haut que le milieu du Ve siècle avant l’ère chrétienne. Le pays, presque jusqu’au détroit de Messine, était auparavant occupé par les Pélasges OEnotriens, qui avaient, semble-t-il, passé d’Épire ou d’Illyrie dans le midi de la péninsule italique, et qui s’étaient soumis avec une remarquable facilité à la suprématie des villes grecques, fondées au Ve et VIe siècle tout le long de leurs côtes. Dans la portion de l’Italie que tenaient ces OEnotriens, nous retrouvons deux autres villes d’Acherontia, devenues