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lieu d’aller chez le prêtre insoumis, elle ira chez le prêtre soumis. Mais elle ira sans zèle, sans confiance, souvent même avec défiance, en se demandant si ces rites, administrés par un excommunié, ne sont pas maintenant de mauvais aloi. Une telle église n’est point solide, et nous n’aurons besoin que d’une poussée pour l’abattre. Nous discréditerons de tout notre effort les prêtres constitutionnels ; nous leur interdirons le costume ecclésiastique, nous les obligerons par décret à bénir le mariage de leurs confrères apostats ; nous emploierons la terreur et la prison pour les contraindre à se marier eux-mêmes; nous ne leur donnerons point de répit qu’ils ne soient rentrés dans la vie civile, quelques-uns en se déclarant imposteurs, plusieurs en remettant leurs lettres de prêtrise, le plus grand nombre en se démettant de leurs places[1]. Privé de conducteurs

  1. Ordre du jour de la convention, 17 septembre 1792; circulaire du conseil exécutif, 22 janvier 1793 ; décrets de la convention, 19 juillet, 12 août, 17 septembre, 15 novembre 1793. — Ludovic Sciout, III. chap. XV et suivans, IV, chap. I à VII. — Moniteur, octobre et novembre 1793, passim. (23 novembre, arrêté de la Commune de Paris pour fermer toutes les églises.) — Sur la terreur des prêtres constitutionnels je donnerai seulement les deux pièces suivantes (Archives nationales, F7’, 31167) : « Le citoyen Pontard, évêque du département de la Dordogne, logé dans la maison de la citoyenne Bourbon, faubourg Saint-Honoré, no 66, instruit qu’il y a dans le journal nommé le Républicain un article portant qu’il s’est tenu une assemblée de prêtres dans ladite maison, atteste qu’il n’en a aucune connaissance ; que tous les préposés à la garde des appartemens sont dans le sens de la révolution; que, s’il avait lieu de suspecter un pareil fait, il délogerait à l’instant même, et que, s’il est possible d’apercevoir quelque motif à pareil bruit, c’est le mariage qu’il projette avec la nièce du citoyen Caminade, excellent patriote, capitaine de la 9e compagnie de la section des Champs-Élysées, mariage qui va achever de faire tomber le fanatisme dans son département, à moins que ce ne fût l’ordination d’un prêtre à la sans-culotte qu’il fit hier dans la chapelle, autre trait qui est dans le sens de la révolution. Peut-être est-il nécessaire d’ajouter qu’il a été visité par un de ses curés actuellement à Paris, qui est venu le prier de seconder son mariage. Ledit curé s’appelle Greffier-Sauvage; il est encore à Paris et se dispose à se marier en même temps que lui. A part ces motifs, qui ont pu donner lieu à quelques propos, le citoyen Pontard ne voit rien qui puisse établir le moindre soupçon. Au reste, il est un patriote si franc du collier qu’il ne demande pas mieux que d’être instruit de la vérité pour embrasser sans aucune considération la voie révolutionnaire. Il signe sa déclaration en promettant de la soutenir en tout temps, par ses écrits comme par sa conduite. Il offre les deux numéros de son journal qu’il vient de faire imprimer à Paris, pour qu’on y voie la teneur de ses principes. — A Paris, le 7 septembre 1793, l’an II de la république, une et indivisible. F. Pontard, évêque de la république au département de la Dordogne. « — Dauban, la Démagogie en 1793, p. 557. Arrestation du représentant Osselin, lettre de son frère, curé de Saint-Aubin, au comité de la section Mutins Scævola, 20 brumaire an II. « A l’exemple de Brutus et de Mutius Scævola, je foule aux pieds les sentimens dont j’idolâtrais mon frère. O divinité des républicains ! ô vérité! tu connais l’incorruptibilité de mes intentions. » (Et ainsi de suite, pendant cinquante-trois lignes.) « Voilà mes sentimens. Je suis fraternellement, Osselin, ministre du culte à Saint-Aubin. — P.-S. — C’est en allant satisfaire un besoin de la nature que j’ai sçu cette affligeante nouvelle. » (Il a rhétoriqué tant qu’il a trouvé des phrases ; à la fin, idiot de peur, le cerveau vide, il raconte ce dernier détail comme preuve qu’il n’est pas complice.)