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de sa déférence pour un avis plus autorisé que le sien ; mais vous n’aurez fait aucune impression sur son esprit, et à part lui il se dira que les savans étrangers ont des idées bien bizarres.

Malgré tout cela, ces dotti de province sont des gens éminemment méritans et que l’on aurait grand tort de tourner en dérision, de traiter avec dédain. Je collige soigneusement leurs livres pour ma bibliothèque toutes les fois que je peux me les procurer et je les lis sans m’arrêter aux choses qui me donnent envie de sourire. Jusqu’ici il ne m’est pas arrivé d’en rencontrer un où je n’aie trouvé quelque chose à apprendre. Ils ont eu l’occasion de voir des monumens qui ont disparu presque aussitôt après leur découverte ou qui échappent à l’attention des voyageurs de passage ; ils ont fureté dans des documens qui ne nous sont pas accessibles, dépouillé patiemment des recueils ecclésiastiques qui n’intéressent que le clergé du pays ; et où nous n’aurions pas l’idée d’aller faire des recherches, sans compter que nous ne les trouverions guère dans les bibliothèques de ce côté des monts. Surtout ils rendent de vrais services en recueillant attentivement toutes les antiquités qui se découvrent autour de leur ville et en en formant des collections. Là encore leur critique n’est pas le plus souvent à la hauteur de leur bonne volonté, De malins industriels les prennent plus d’une fois pour dupes. Ils rassemblent pêle-mêle le bon et le mauvais, l’authentique et le faux, qu’ils ne sont pas suffisamment en état de discerner. Mais ils sauvent de la destruction une inanité de monumens intéressans, et la visite de leurs cabinets, qu’ils ouvrent avec empressement au voyageur, fournit à l’archéologue qui explore le pays bien des occasions d’étude et d’instruction.

Précisément Acerenza renferme une collection de ce genre, celle de M. Vosa, formée d’objets de toutes les époques, depuis l’âge de la pierre jusqu’à la renaissance. Il faudrait en écarter une bonne moitié, fabrications toutes récentes de la main trop féconde d’un orfèvre de la ville, dont on me dit le nom et qui s’est fait faussaire d’antiquités. Aucune de ses œuvres ne pourrait tromper un œil quelque peu exercé. Le reste de la collection donne une idée des petits monumens. de toute nature qui se découvrent en remuant la terre à Acerenza et dans les environs, médailles, poteries, terres-cuites, bronzes, etc. Il n’y a là rien de hors ligne, rien qui tenterait un de nos grands amateurs ; mais dans la tendance actuelle de l’archéologie, toute collection de ce genre est d’un grand prix scientifique, même quand, elle n’offre que des pièces secondaires.

Autrefois, il n’y a pas encore bien longtemps, c’est isolément et en eux-mêmes que l’on étudiait les monumens antiques ; on ne s’occupait que de leur mérite intrinsèque sous le rapport de l’art ou de l’érudition. Pour attirer l’attention de l’antiquaire, il fallait qu’un