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jeune dans la congrégation des petites-sœurs ; on dirait que la vieillesse pénètre celles qui la soignent et fait son œuvre avant le temps. Dans cette congrégation il n’y a pas de dignités, il n’y a que des devoirs ; la supérieure ne reste en exercice que pendant un temps déterminé ; au bout de six années révolues, elle est dépossédée ; on lui enlève : son sceptre éphémère et on l’envoie dans une maison autre que celle qu’elle a gouvernée. Elle a commandé, elle va obéir, car on la place au dernier rang. On lui rappelle ainsi qu’elle est la servante des vieillards infirmes et que cette fonction est la plus glorieuse qu’elle puisse exercer ici-bas.

Toutes les maisons sont tenues avec cette propreté méticuleuse à laquelle excellent les communautés de femmes et qui souvent a permis aux sœurs des hôpitaux de chasser l’épidémie loin du lit des patiens. Dans les maisons de construction récente, — Notre-Dame-des Champs, Philippe-de-Girard, Picpus, — il est facile, grâce à la dimension des salles, à l’ample aération, aux couloirs de dégagement, il est facile de lutter contre la saleté que les vieux pensionnaires traînent derrière eux, comme la lèpre de l’âge et de l’indigence. Dans les anciennes maisons, cela exige un travail assidu, et les pauvres sœurs ont fort à faire. Dans l’asile de la rue Saint-Jacques, la bataille est incessante ; la maison est vieille ; tant bien que mal, on l’a rendue apte à sa destination hospitalière : elle date de la fin du XVIIe siècle, et je ne serais pas surpris que jadis elle eût été rattachée par quelque servitude au Val-de-Grâce, dont une simple muraille la sépare. Au fond d’une longue cour banale ou je lis les enseignes d’un hôtel garni, d’une école maternelle et de quelques industries, un perron de trois marches donne accès dans la maison. L’escalier en pierres, très large, est orné d’une rampe en belle ferronnerie, — l’escalier est menteur ; ses promesses ne sont que des déceptions, il conduit à des salles basses et obscures, à des dortoirs en brisis, à des recoins inutiles que l’on a pourtant utilisés, à une cuisine trop étroite, à une infirmerie qui ressemble à un grenier, à des chambres qui sont des mansardes. Les hommes n’ont pas de fumoir, la place manque, pas même un hangar pour s’abriter quand ils vont fumer leur pipe, dernier plaisir que la vieillesse leur a laissé. Dans la petite cour, à côté du toit à porcs, deux ou trois échoppes contrefaites et disjointes, composées de planches assemblées au hasard, forment les ateliers où travaillent les cordonniers et les menuisiers. Le jardin est si resserré que l’on en fait le tour en vingt pas. Autrefois il était mitoyen d’un vaste terrain que l’on a proposé de vendre aux petites-sœurs. Elles auraient bien voulu faire cette folie ; la dépense était lourde ; elles s’en seraient fiées à la grâce de Dieu qui ne leur a jamais