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c’est- à-dire la ligne sur laquelle l’armée se mettrait en bataille si l’ennemi se présentait en force, et résolut de mener vivement le siège. Il ne pensait pas que la place pût tenir plus de trois à quatre jours et fît immédiatement ouvrir la tranchée. Espagnols, Italiens, Wallons, Allemands, chaque nation eut son attaque. Le 15, au coucher du soleil, le comte de Rittberghe donna le premier coup de pioche, et le 16 au matin, le chemin couvert était couronné. Le même jour, aussitôt les gardes relevées, une batterie de trois pièces ouvrit son feu, et quatre demi-lunes furent enlevées d’assaut.

Dans la nuit du 16 au 17, on entendit des coups de pistolet aux avant-postes ; un officier et quelques cavaliers français se jetèrent dans une grand’garde espagnole. L’officier fut tué ; les cavaliers se sauvèrent. Le léger émoi causé par cet incident n’excita pas la vigilance de tous : au point du jour, les soldats qui gardaient la demi-lune enlevée la veille au soir par les Italiens furent surpris et passés au fil de l’épée par cent cinquante fusiliers français qui depuis plusieurs heures étaient blottis près d’eux sur le chemin couvert. La garnison de Rocroy rentra dans la demi-lune.

Ces fusiliers jetés dans la place ne pouvaient appartenir qu’à la cavalerie du duc d’Anguien ; on assurait dans l’armée espagnole que l’officier dont on avait ramassé le corps était un aide-de-camp de Gassion ; l’armée française était donc moins loin qu’on ne le croyait. Le capitaine-général n’en tint compte ; oubliant qu’à la guerre on ne se garde bien qu’en cherchant à garder l’ennemi, il n’envoya aucune patrouille vers le sud par-delà les bois et prescrivit seulement de mettre des Croates en vedette aux débouchés intérieurs des sentiers. Tout se bornait, semblait-il, à un retard de vingt-quatre heures, qui ne sauverait pas la place, et dont l’état-major espagnol ne se préoccupait pas autrement. Le chevalier Visconti fit reprendre la demi-lune par le régiment qui l’avait perdue. La communication entre les attaques fut rétablie, la descente du fossé préparée. Le 17, au soir, Isembourg arrivait au pied de la muraille du corps de place et attachait le mineur. On travaillait activement aux batteries de brèche qui devaient ouvrir leur feu aux quatre attaques le 18 au soir.

Le 18, vers midi, au moment où le dîner, prélude de la sieste, va s’apprêter au quartier-général (quartel de la corte), établi au nord de la place assiégée, un Croate y arrive au galop ; il annonce que des êclaireurs français se montrent à la lisière des bois qui bordent le plateau au sud-ouest. Ce n’est peut-être qu’une reconnaissance, mais c’est un indice certain : l’ennemi s’approche. Don Francisco convoque un conseil de guerre et envoie un courrier la Beck : le commandant de l’armée du Luxembourg doit avoir pris