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Toutes ces troupes étaient prêtes à marcher le 5 avril ; le comte de Fontaine, mestre de camp général de l’armée de France (sic), avait son quartier-général à Lille. Le 15 avril, Melo quitta Bruxelles pour rejoindre son lieutenant. Avant son départ, il modifia et compléta l’organisation du commandement : Cantelmi[1] eut l’armée de Brabant, opposée aux « rebelles » hollandais, armée d’observation, dirions-nous aujourd’hui ; Melo savait qu’il n’avait pas d’entreprise à redouter de ce côté[2]. Don Alvaro, frère du capitaine-général, fut nommé général d’artillerie de l’armée de France. Le prince de Ligne, qui, l’année précédente, avait conduit son régiment avec une grande valeur[3], fut désigné pour commander les hommes d’armes de Flandre, sorte de milice qui n’était convoquée que pour la fin de mai. Enfin la patente de « général de la cavalerie » fut retirée à de Buquoy et donnée au duc d’Albuquerque. Comment un politique aussi consommé que Melo a-t-il pris de semblables mesures au moment d’entrer en campagne ? Voulait-il mettre dans l’ombre deux hommes dont il redoutait la popularité, l’influence ? Croyait-il nécessaire de donner à ses escadrons un chef plus résolu et plus alerte ? Quel que fût le motif de cette double disgrâce, elle fut vivement ressentie par ceux qu’elle atteignait, par de Bucquoy surtout, qui se refusait à trouver une compensation dans la vague promesse d’une mission importante, non définie ; elle blessa tous les Belges, et peut-être explique-t-elle une certaine tiédeur que nous remarquerons plus tard chez les troupes de cette nation.

Après une tournée d’inspection dans les places maritimes, le capitaine-général fit son entrée à Lille, le 25 avril. Il aurait voulu se mettre en campagne tout de suite, mais la saison n’était pas favorable aux opérations militaires ; très froide d’abord, elle était devenue pluvieuse ; l’herbe n’avait pas poussé encore et les chemins, étaient détrempés. Toutefois l’armée espagnole exécuta des mouvemens

  1. Cantelmi (Andréa), fils de Fabrice, comte de Popoli, d’une des plus illustres familles du royaume de Naples, profil allongé, décharné, dur. Après avoir été mestre de camp général en Flandre, il commanda en Catalogne, où il fut défait par le comte d’Harcourt et pris dans Balaguier. Il en mourut de douleur, assure-t-on (1645.)
  2. Un autre corps d’observation fut formé plus tard à la lisière du Boulonnois. Il fut mis sous les ordres d’un officier-général fort apprécié dans l’armée espagnole et dont nous aurons à parler : Fuensaldaña (don Alonzo Perez de Vivero, comte de). Il était mestre de camp d’infanterie dès 1636 ; en 1648, il prit le commandement de l’armée des Pays-Bas, avec les pouvoirs de premier ministre sous l’archiduc Léopold et conserva ces fonctions jusqu’en 1656. A l’arrivée de don Juan d’Autriche, il fut envoyé dans l’état de Milan. Définitivement nommé gouverneur des Pays-Bas, en 1659, il mourut à Cambrai en prenant possession (1660).
  3. Claude Lamoral, prince de Ligne, né en 1618, mort en 1679, fils du prince Florent, marié à Marie-Claire de Nassau, veuve de son frère Henri-Albert. Il fut successivement vice-roi de Sicile (1670), et gouverneur du Milanais (1676).