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seize mille hommes de pied et six ou sept mille chevaux. Séparé du corps de l’Oise, il était loin d’avoir autant de monde sous la main. Pour atténuer l’écart entre l’effectif disponible des deux armées, il fixa la force des garnisons à laisser dans chacune des places qui ne serait pas immédiatement menacée et fit donner à Chauny l’ordre de pousser autant d’infanterie que possible sur Guise et La Capelle, parant ainsi aux premiers accidens qui surviendraient de ce côté et rapprochant ces troupes du point où il pourrait les employer sans sortir de la limite tracée par ses pouvoirs. Il développe et précise les premières instructions qu’il a données. Sa pensée est claire et l’expression est nette : « Les ennemis ne sont pas encore hors de leurs quartiers ; tous nos advis sont qu’ils ne seront ensemble qu’à la fin du mois. Dès qu’ils commenceront à marcher, nous irons nous saisir du poste d’Ancre[1], sur la rivière qui prend sa source à Miraumont, au cas qu’ils aillent vers Arras, et s’ils marchent sur Landrecies, nous irons du costé de Crèvecœur[2] pour voir s’il y a lieu de les combattre ou de leur faire lever le siège. » Le duc d’Anguien ne se trompait guère dans ses conjectures.

Le capitaine-général, don Francisco Melo, avait disposé ses troupes en quatre groupes :

En Artois, le duc d’Albuquerque[3], avec les six tercios viejos d’Espagnols naturels, Albuquerque, Avila, Velandia, Villalva, Garcie, Castelvi ; trois régimens italiens, Visconti, Strozzi, Delli Ponti, et trois wallons, Ligne, Ribeaucourt, Granges, soit douze gros régimens d’infanterie, l’élite de l’armée, cantonnés de Béthune à Douai, quartier-général à Festubert[4] ;

En Hainaut, quatre-vingt-deux compagnies de cavalerie et quatre régimens d’infanterie logés entre Mons et Valenciennes, sous les ordres du comte de Bucquoy[5], quartier-général à Quiévrain ;

Entre Meuse et Sambre, l’armée d’Alsace, commandée par le comte d’Isembourg[6], forte de cinq régimens d’infanterie, six de cavalerie, un de croates et quelques compagnies libres ;

En Luxembourg, au-delà de la Meuse, Beck, avec un corps séparé de cinq à six mille hommes.

  1. Ancre, aujourd’hui Albert.
  2. Crèvecœur, sur l’Escaut, contre Le Catelet et Cambrai.
  3. Francisco Fernandes de la Cueva, huitième duc d’Albuquerque.
  4. Festubert, à 10 kilomètres de Béthune et 36 d’Arras.
  5. De Bucquoy (Albert de Longueval, comte), mort en 1668, fils de Charles-Albert de Longueval, général en chef des armées impériales, grand seigneur de haute mine et d’intelligence moyenne.
  6. Isembourg (Ernest, comte d’), gouverneur de Namur, chevalier de la Toison d’or, mort en 1664 sans enfans. C’était un homme de haute taille, de grand courage et un officier de cavalerie de premier ordre. Plusieurs branches de la maison comtale, évangélique, d’Isembourg, jadis souveraine, aujourd’hui médiatisée, existent encore.