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de Parme ; aujourd’hui le propre frère du roi[1] vient d’être remplacé par un cadet de famille portugais, don Francisco Melo, qui a pour mestres de camp généraux un paysan des Vosges, Fontaine[2]un pâtre du Luxembourg, Beck[3] ; et comme principaux lieutenans, au-dessous de ces deux soldats de fortune, de grands seigneurs tels que le prince de Ligne, le comte de Bucquoy, le comte d’Isembourg, Cantelmi, des ducs de Popoli, La Cueva, duc d’Albuquerque, appartenant aux plus hautes lignées des provinces belges, de l’Allemagne, de Naples et de la Castille.

Assez proche parent de l’héritier des anciens rois de Portugal[4], Melo avait rompu de bonne heure avec le chef de sa maison, le duc deBragance, dont les prétentions semblaient n’avoir alors aucune chance de succès. Pauvre, ambitieux, il avait quitté l’antichambre

  1. Ferdinand, fils naturel de Philippe III, roi d’Espagne, cardinal-archevêque da Tolède, dit le cardinal infant, gouverneur des Pays-Bas en 1634, ne doit pas être confondu avec le cardinal Albert, archiduc d’Autriche, neveu de Philippe II, aussi gouverneur des Pays-Bas en 1598, qui renonça à la pourpre romaine pour épouser en 1598 l’infante Isabelle-Claire-Eugénie. Le cardinal-infant ne manquait pas de mérite ; il avait de la ténacité, un jugement sain, mais il était lymphatique, un peu lourd, et n’avait pas les visées hautes des capitaines qui s’appelaient Savoie, Farnèse, Spinola. Maintenir intact ce qui restait du patrimoine de sa famille entre le Rhin et la mer, contenir les rebelles hollandais derrière leurs digues et les murailles de leurs cités, repousser les tentatives des généraux français, qui voulaient prendre des villes et celles des condottieri réformés qui d’Allemagne amenaient leurs bandes sur la rive gauche du Rhin pour vivre grassement dans les électorats ecclésiastiques et donner la main, après une journée heureuse, soit au prince d’Orange, soit aux lieutenans de Richelieu : telle était la tâche que le fils de Philippe m s’était assignée et qu’il parvint à remplir, quoiqu’il se fût affaibli dans les dernières années. De port et de visage, il ressemblait beaucoup à son frère Philippe IV ; il mourut le 9 novembre 1641.
  2. Paul-Bernard Fontaine parait être né dans une des plus jolies vallées du versant occidental des Vosges, à Fougerolles, village de la Franche-Comté, aujourd’hui Haute-Saône. Le premier poste important qui lui fut confié fut celui de gouverneur de Bruges en 1631. Philippe IV le nomma comte et l’un des gouverneurs des états de Flandres, à la mort du cardinal-infant. En 1643, il avait cinquante ans de service et le grade de maréchal de camp général. Remarquons que presque tous les recueils biographiques confondent ce soldat de fortune tué à Rocroy, avec Pedro Enriquez de Acevedo, comte de Fuentes, petit-neveu du grand duc d’Albe, né vers 1526, longtemps capitaine-général des armées espagnoles, vainqueur à Doullens en 1595, et mort en 1610 à Milan, où nous l’avons vu recevoir Henri II, prince de Condé.
  3. Jean Beck, né a Bastogne, dans le Luxembourg, successivement berger, postillon, soldat au service d’Espagne, fut créé baron, gouverneur du duché de Luxembourg et parvint au grade de maréchal de camp général. A Thionville, en 1639, il menait l’avant-garde comme sergent-général de bataille, et il eut en 1642 la plus grande part à la victoire de Honnecourt. Il fut pris, percé de coups à la bataille de Lens en 1648, mourut à Arras, et fut inhumé à Luxembourg dans l’église des récollets.
  4. Don Francisco Melo de Braganza, successivement créé comte d’Assumar et marquis de Tor de Laguna, descendait d’Alphonse, premier duc de Bragance (1442), fils naturel de Jean Ier, roi de Portugal.