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à la dignité de maréchal de France, en lui laissant les fonctions de « lieutenant-général en l’armée de Picardie, commandée par mon cousin le duc d’Anguien. » Agé de soixante ans, la moustache blanche, : un peu cassé, le nouveau maréchal de L’Hôpital avait beaucoup de services, des blessures dont il souffrait souvent. Élevé pour l’église et non pour les armes, il avait conservé un peu des allures de son premier état : des formes douces qui n’excluaient pas l’obstination. C’était le coup de pistolet tiré en 1616 par son frère, Vitry, sous le guichet du Louvre, qui, d’un futur évêque, avait fait un capitaine des gardes. D’un courage passif, lent d’esprit, il avait plus d’habitude des sièges que des opérations en rase campagne[1].

L’Hôpital était presque seul au quartier-général d’Amiens, lorsqu’il y fut rejoint par M. le Duc. Celui-ci arrivait muni de ses pouvoirs, mais sans instructions écrites, sans chiffre pour correspondre. Il amenait sa maison, son premier gentilhomme Tourville[2], ses écuyers, La Boussière, Franchie et autres, le médecin de Montreuil, le père Musnier, à la fois directeur et secrétaire, l’homme d’affaires Girard, ces deux derniers bien endoctrinés par M. le Prince. Les jeunes seigneurs, les gentilshommes de distinction qui devaient entourer M. le Duc comme volontaires n’avaient pas quitté Paris. L’état-major n’était pas constitué ; les maréchaux de camp, le commandant de l’artillerie, le maréchal et les sergens de bataille, les maréchaux-des-logis, les aides-de-camp étaient retenus ailleurs ou en congé ; tous n’étaient même pas encore désignés. M. de Belle-jeamme, intendant de justice et finances de la province de Picardie, et M. de Villarceaux, de la généralité de Soissons, préparaient les magasins et les hôpitaux en attendant l’arrivée de M. de Choisy, nommé intendant de l’armée. M. de Choisy prit son service un peu plus tard. Mari d’une femme fort à la mode, plume habile, homme

  1. François de L’Hôpital, né en 1583, un moment abbé de Saint-Germain, puis nommé à l’évêché de Meaux, quitta l’habit pour entrer aux gendarmes de la garde, dut sa fortune à son frère Nicolas, marquis, puis duc de Vitry, qu’il avait assisté dans l’entreprise contre le maréchal d’Ancre et qui lui céda la charge de capitaine des gardes. Il fut aussi un moment enveloppé dans la disgrâce de ce même frère Vitry, lorsque celui-ci fut mis à la Bastille pour avoir donné des coups de bâton à l’archevêque de Bordeaux ; une rivalité de commandement avec Cinq-Mars lui rendit la faveur de Richelieu. Du Hallier venait d’être nommé gouverneur de Champagne, le 16 mars 1643, et il connaissait bien cette frontière, ayant beaucoup servi dans tout le nord, en Artois, en Lorraine, etc. Il se retira après la bataille de Rocroy et mourut le 20 avril 1666.
  2. César de Costentin, comte de Flandes et de Tourville, marié en 1630 à Lucie de La Rochefoucauld, fille du baron de Montendré, veuve de Geoffroy de Durfort, dame d’honneur de la duchesse d’Anguien. Il mourut en 1647. C’est le père du célèbre Anne-Hilarion de Costentin, comte de Tourville, maréchal et vice-amiral de France, né en 1642, mort en 1701.