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d’une crise politique des plus intenses, ce groupe avait pu, pendant la seconde quinzaine du mois, grâce à un très heureux concours de circonstances, achever sa victoire sur le découvert.

Au moment, en effet, où il s’agissait d’établir par la réponse des primes et la fixation des cours de compensation la position respective des acheteurs et des vendeurs, les événemens prenaient un tour de plus en plus favorable aux premiers, tant au point de vue politique qu’au point de vue financier. Le ministère Ferry s’établissait, la question des princes était fermée ; le taux de l’argent baissait à Londres et à Paris. La liquidation des 1er et 2 mars enfin démontrait une fois de plus, par l’extrême modicité du taux des reports, l’abondance croissante des ressources disponibles.

La liquidation s’est donc effectuée, sur les rentes et sur un certain nombre de valeurs, à des cours inespérés il y a peu de temps encore. Des spéculateurs à la baisse ont dû renoncer à poursuivre la lutte. L’un d’eux a laissé, en partant, une très grosse position à liquider. Cette circonstance a été fort habilement exploitée par les haussiers, qui d’ailleurs, recevaient des places étrangères les avis les plus propres à les encourager à une accentuation du mouvement de reprise. Aussi, pendant toute la première semaine de mars, le marché de Paris a-t-il présenté le spectacle d’un très vif entrain et d’une hausse continue. Les dispositions étaient si favorables que les bruits de conversion et d’emprunt ont surgi, toutes les conditions qu’exige la réalisation de ces grandes opérations se trouvant dès maintenant réunies. Les projets de conversion ont été aussi nombreux que variés et n’ont pas seulement servi d’aliment aux conversations, car on a vu pendant plusieurs jours les cours des 3 pour 100 et du 5 pour 100 s’élever ou s’abaisser successivement, selon que telle ou telle combinaison paraissait offrir de plus grandes chances d’être adoptée.

Quant à l’emprunt, la situation du budget dit assez qu’il ne saurait être évité, et il est clair que la hausse si rapide des fonds publics devait inviter le ministre des finances à préparer un appel à l’épargne. Les besoins du Trésor sont évidens. Le gouvernement n’a plus à son compte courant à la Banque de France que 127 millions, et le montant des avances de cet établissement à l’état s’est élevé à 140 millions. En réalité donc, l’état doit 12 millions à la Banque; d’autre part, la Caisse des dépôts et consignations, qui sans doute se trouve bien à court de fonds, vient de porter de 1 à 2 pour 100 l’intérêt des dépôts et de ramener de quinze jours à cinq jours le délai de remboursement. Enfin, dans l’exposé des motifs du projet de budget pour 1884, qu’il vient de présenter à la chambre, M. Tirard dit bien que le Trésor pourra encore, jusqu’à la fin de 1883, se tirer d’affaire par divers expédiens au moyen de tout ce qui lui reste de disponible, mais