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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars.

On aura beau se créer des illusions toujours nouvelles, se réfugier dans un vain optimisme, essayer de se tranquilliser en dénaturant le caractère et la signification des incidens importuns qui se succèdent, on ne changera pas la réalité des choses. S’il y a un fait certain, évident aujourd’hui, c’est que tout devient difficile et obscur dans les affaires de la France, c’est qu’il y a de toutes parts une lassitude indéfinissable, une défiance croissante, le sentiment vague d’un état critique qui, sans être encore précisément très aigu, peut à tout instant le devenir ; on finit par s’attendre à tout sans savoir ce qui peut sortir d’une situation où une politique de passion, d’infatuation et d’aveuglement a accumulé toutes les incohérences.

M. le président du conseil, qui s’est chargé d’un lourd fardeau en prenant les affaires, et qui jusqu’ici semble plus habile à discerner le mal qu’à trouver le vrai remède, M. le président du conseil disait l’autre jour, dans un banquet du cercle national, qu’on ne ferait rien avec le mouvement perpétuel, que le pays était affamé de repos et de stabilité, qu’il fallait fonder un gouvernement dans la république ; il essayait aussi, avec bien des ménagemens, de prémunir les républicains ses amis contre l’agitation «révolutionnaire malsaine qui touche aux bases mêmes de la constitution, » contre les manifestations, les réunions qui entretiennent le trouble dans les esprits et peuvent un jour ou l’autre conduire aux agitations dans la rue. — Eh bien! c’est là justement la question telle qu’elle apparaît aujourd’hui. Avec le mouvement perpétuel on ne fait rien, on ne réussit qu’à discréditer un régime. Les discussions vaines, l’instabilité des lois et des ministères, les violences de parti ne produisent que la défiance découragée dans le pays et la stagnation dans les affaires. Les agitations factices de parlement conduisent aux agitations trop réelles de la rue. On en est là, on y est arrivé, et pour le moment tout se résume dans ces deux faits où se peint la