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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : les Effrontés (reprise).

S’il n’était trop ambitieux de rappeler un article dont l’auteur est passé déjà au rang des anonymes fameux, je donnerais volontiers pour titre à cette chronique : les effrontés en 1883. Au moins est-ce une pièce justificative que le critique de théâtre apporte au publiciste. Sans jouer à l’homme d’état, nous sommes obligé de constater quels différens effets, par suite des vicissitudes de la chose publique, un ouvrage produit à vingt-deux ans d’intervalle. On se rappelle que celui-ci, représenté pour la première fois en 1861, renfermait, avec une comédie de mœurs, un commentaire politique de cette comédie : la comédie, que retenait autour de lui le financier Vernouillet, dénonçait un mal de la société; le commentaire, que se distribuaient comme une parabase le marquis d’Auberive et le pamphlétaire Giboyer, indiquait la cause du mal et son remède futur. Le succès de la pièce n’avait pas été sans scandale; le public s’était divisé sur deux questions : à savoir, si le mal signalé par l’auteur existait réellement, et si le remède proposé n’était pas chimérique. Vingt-deux ans se sont écoulés, et l’accord s’est fait : au prix de quelles illusions, de quelles espérances, on le devine. Personne, hélas! ne doute plus que l’auteur n’ait touché du doigt un point malade; la crise qu’il désignait a depuis redoublé de violence; et quant à l’heureuse solution qu’il se flattait d’entrevoir, personne, pas même lui, n’ose plus y compter. Telle coupure qu’il a faite témoigne qu’il est désabusé là-dessus; les spectateurs le sont aussi bien que lui. Et comme la comédie de mœurs, à qui le temps a donné raison, ne peut que gagner, même en tant qu’œuvre d’art, à être allégée de cette partie du commentaire politique à laquelle les événemens ont donné tort; comme, d’ailleurs, la fable dramatique qui soutient cette comédie demeure humaine et touchante ; comme le dialogue de tout l’ouvrage demeure vif et bien