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Quand elle s’échappa de son bain, ruisselante,
Les cheveux dénoués, au déclin du soleil,
L’astre l’enveloppa d’un chaud rayon vermeil,
Et sur la chair de nacre essuya l’eau perlante.

Heureuse de son bain, la blonde rattacha
Sa robe et son échappe, et vite rhabillée,
En voyant à son arc une corde mouillée,
D’un geste impatient et brusque l’arracha.

Quand l’arc fut bien tendu par une corde sèche,
Une biche passait en travers du chemin.
La femme en souriant, pour se faire la main.
Lança comme au hasard une première flèche,

Qui, décrivant sa courbe assez haute en sifflant,
Arrêta court la biche, une bête superbe.
Abattue en laissant un flot rouge dans l’herbe,
Et râlant sous la flèche attachée à son flanc.


III.


Mais voici, débuchant d’un massif de vieux hêtres.
Lancée à corps perdu, hurlant à pleine voix,
Une meute éveillant tous les échos des bois.
Que suit un fier chasseur, chaussé de hautes guêtres,

Portant la barbe en fourche, et la moustache en croc,
Chevelu comme un roi des races primitives,
Dans toute sa rudesse et sa fierté natives.
Et sonnant de sa trompe, une corne d’auroch.

Surprise à son aspect, non pas effarouchée,
Arrêtant d’un regard tous ses chiens murmurans,
La belle chasseresse ayant dit : « Je la prends, »
Mit un pied souverain sur la bête couchée.

— Tu devrais le savoir, cette biche est à moi ;
C’est ma flèche qui l’a mortellement blessée.
— Peut-être, mais d’abord mes chiens l’avaient forcée,
Quand tu vins me les rompre... et je l’aurais sans toi.

Alors, comme d’instinct, d’un geste involontaire,
Le farouche veneur lui serra le poignet
(Si peu qu’il y toucha, la peau blanche en saignait),
Car c’était un chasseur d’un âpre caractère.