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à un labeur proportionné à leurs forces et s’augmentant avec elles. Les sols siliceux et d’une culture peu pénible abondent dans les plaines du Midi. Nul pays ne saurait se prêter plus admirablement à cet entraînement par le travail, qui est la condition essentielle d’un élevage salutaire quant au développement du corps, économique quant à la dépense. Toutefois la chose implique certains changemens dans le matériel agricole, particulièrement la substitution des chars à quatre roues aux charrettes actuelles, qui conviennent peu pour les animaux en dressage.

Ce passage des jeunes chevaux par divers sols et par diverses mains durant leur croissance, est devenu la règle générale dans les pays les plus renommés pour la production chevaline, dans la Normandie, la Bretagne et le Perche. Le Midi n’est pas encore très avancé dans ce mode d’élevage, par lequel l’animal se transporte successivement sur les lieux les plus favorables à son entretien. Mais un tel courant commercial ne peut tarder à s’y développer, grâce aux facilités procurées par l’extension des chemins de fer.

Quoi qu’il en soit, l’avenir n’est nulle part à l’accroissement des chevaux en nombre. Le Midi ne saurait échapper à cette loi commune. Partout ce nombre diminue par la division du sol, par l’accroissement des autres animaux de la ferme, dont l’entretien court de moindres risques. En Russie même, la décroissance de la population chevaline commence avec la répartition de la terre entre les serfs émancipés.

Mais s’il nuit à la quantité, le progrès agricole favorise la qualité. Or nous aurions bien assez de chevaux dans le Midi, si tous étaient assez forts et assez grands pour faire un bon service comme bêtes de trait léger. Il y aurait alors bien assez de choix pour assurer les remontes annuelles de la cavalerie et pour constituer une réserve suffisante en cas de mobilisation. On ne peut, en effet, produire spécialement en vue de l’armée; mais elle ne saurait mieux monter sa cavalerie qu’en choisissant parmi les chevaux de race assez robustes pour être utilisés au trait.

L’évolution de la propriété, les progrès de la culture, imposent donc des pratiques nouvelles à la production chevaline, en lui suscitant des obstacles. Mais les difficultés les plus grandes viennent de l’homme même. Peu patient, facilement irritable, le méridional, sans aller jusqu’à la brutalité, n’a pas toujours le calme et la douceur nécessaires à l’égard des animaux. Il manque trop souvent de mesure dans l’effort de travail à imposer pour le dressage. Toute bête se ressent du manque de bons traitemens ; plus intelligent et plus nerveux, le cheval en souffre plus que tout autre serviteur de la ferme. Ce goût inné pour le noble animal, cet ensemble