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des formes un peu frustes, portent de visibles traces d’une lointaine provenance orientale. Leurs propriétaires emploient bien à tort les étalons anglo-normands, séduits qu’ils sont par la corpulence de ces gros chevaux déshérités de toutes les qualités nécessaires aux produits du Midi.

La jumenterie peut ainsi chaque année fournir une vingtaine d’étalons d’élite bien précieux pour assurer, en minime partie, la remonte des haras devenant de plus en plus coûteuse et difficile. On doit regretter seulement qu’une fois dans ces haras, ces animaux soient livrés à une énervante oisiveté, au lieu d’être soumis à un travail indispensable pour entretenir leur vigueur et leur douceur. Ainsi ils deviendraient plus aptes à transmettre ces qualités à leur descendance. Ce qui est le plus à blâmer dans l’organisation des haras en France, c’est l’inaction funeste dans laquelle les étalons sont tenus durant leur séjour aux dépôts.

Certes, la jumenterie de Pompadour est loin d’égaler, pour le nombre des chevaux, les établissemens semblables d’Allemagne, de Hongrie et de Russie; mais elle ne leur cède en rien pour la perfection des produits, qui font le plus grand honneur au directeur, M. de La Grange, secondé par le chef des cultures, M. Mathis.

L’élevage est dirigé avec une entente parfaite du résultat à atteindre, qui est de délivrer le Midi de l’étalon anglo-normand, fléau de sa production chevaline, de le doter de reproducteurs doués de toute l’énergie du pur sang anglais sans en avoir les tares, doués de toute l’endurance du cheval arabe sans en avoir les défauts de taille et de force. Tels qu’ils sont créés à Pompadour par le choix des parens, la succulence de la nourriture et la bonne mesure de l’entraînement, ces étalons réunissent toutes les qualités voulues pour la production de poulains assez hauts en taille et forts en muscles pour devenir soit d’excellens chevaux de cavalerie légère, soit de rapides et élégans chevaux de luxe, à la condition d’une transformation nécessaire dans les pratiques des éleveurs de la contrée.


VI.

Le Midi est la terre promise de la petite propriété. Fécondé par le soleil, apte à toutes les cultures, le sol s’y prête au morcellement bien mieux que les froides terres à blé du Nord. Cet heureux avènement du cultivateur à la possession de son champ allait en s’accélérant, grâce à l’esprit d’épargne, vertu innée chez le paysan français, lorsque le mouvement a été soudainement enrayé par une