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spectacle animé que celui de la grande place de Pau, à l’heure du départ des courriers, des diligences, des berlines pour les diverses villes d’eaux! Amenés chacun par un palefrenier et prestement attelés, ces petits chevaux, hennissans, piaffans, enlevaient les lourds véhicules par bonds, au milieu des cris, des jurons de tous ces Basques loquaces comme des Napolitains.

En tant que service à la guerre, les chevaux du Midi renouvelèrent leurs preuves de résistance et de solidité durant l’expédition de Crimée, où les animaux provenant de croisemens anglais montrèrent une fois de plus combien leur nature indisciplinée, excitable à l’excès, exigeante de nourriture et de soins, les rend peu aptes aux fatigues d’une campagne d’hiver.

A la suite de la suppression de la jumenterie de Pompadour, les étalons de pur sang ou de demi-sang ont été introduits à profusion dans le Midi. Une race hybride s’est substituée à l’ancienne race homogène. Çà et là quelques produits ont acquis plus de brillant que les chevaux d’autrefois, mais le commun des bêtes a pris des formes disparates, conséquence inévitable des croisemens. Les antiques qualités de solidité et de rusticité se sont perdues. Tandis qu’autrefois le Midi se suffisait à lui-même, actuellement il est obligé de recourir à une importation considérable de chevaux vulgaires de forme et gris de couleur. Désignés sous le nom de bretons, ils proviennent un peu de partout, mais surtout des marais s’étendant sur le littoral, entre l’embouchure de la Gironde et celle de la Loire. Cette importation est la preuve la plus manifeste de l’appauvrissement de l’ancienne race du pays.

C’est pour réagir très justement contre cet épuisement funeste à la remonte de notre armée, funeste à l’agriculture méridionale, qu’en 1874 l’assemblée nationale a décrété la reconstitution de la jumenterie de Pompadour, en donnant aux haras une plus large organisation.

Du reste, la production du cheval arabe chez nous-mêmes est d’autant plus opportune que le recrutement des bons chevaux devient de plus en plus difficile en Orient. Les animaux de choix se font rares en Syrie et en Arabie. Essentiellement arme de guerre, le cheval tend à disparaître dans les tribus nomades, devenant chaque jour sinon plus pacifiques, du moins plus misérables. Les grandes familles de chefs qui gardaient l’entretien des races les plus renommées comme une glorieuse mais coûteuse tradition, s’éteignent ou s’appauvrissent,

La jumenterie nouvelle fonctionne depuis sept ans, peu rassurée sur son avenir par une instabilité passée, sans cesse menacée par tout ce monde des écuries d’entraînement, toujours très agissant