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Ils s’organisent en associations pour rétablir quelque ordre dans la généalogie de nos plus précieuses bêtes de trait. C’est ainsi que, par exemple, la race boulonnaise devient l’objet des soins les plus attentifs, afin d’être préservée désormais de tout métissage compromettant. Quant à nos races légères du Centre et du Midi, l’ébranlement produit par les croisemens a été tel que, toute homogénéité ayant disparu, elles ne sauraient fournir les moyens de s’améliorer par elles-mêmes. De toute nécessité, il faut remonter à leurs origines et recourir au cheval oriental, dont elles ne sont qu’une variété.


V.

L’importation des chevaux d’Orient dans le midi de la France avait cessé avec les croisades. Durant les siècles qui suivirent, notre pays méridional fut troublé par la fin des luttes de la féodalité, puis par les guerres de religion prolongées jusque sous Louis XIII. Périodiquement ravagées par les bandes, les campagnes étaient dans un déplorable état de misère et d’abandon. La chose agricole qui a le plus à souffrir du manque de sécurité, le bétail, en était réduit à la plus pitoyable condition. En revanche, la production chevaline était l’objet des soins de tous ceux possédant châteaux et entretenant gens d’arme. Sous les murs de son manoir, chaque gentilhomme élevait des producteurs d’élite, par tradition de famille et par nécessité de guerre.

Cependant, vers le milieu du XVIIIe siècle, la noblesse du Midi matée par Richelieu, puis absorbée par la cour de Louis XIV, avait en partie abandonné ses domaines et perdu le souci des bons chevaux désormais moins utiles. Leur production commençait à décliner, lorsque le grand-écuyer de Louis XV, le prince de Lambesc, obtint du roi en 1751 la création d’un haras destiné à remplacer les établissemens que les grands seigneurs, absens de leurs terres, ne voulaient ou ne pouvaient plus entretenir. Le château de Pompadour venait d’être donné en fief à la belle marquise. De somptueuses écuries, contrastant avec les huttes celtiques des habitans du pays, avaient été édifiées pour les équipages de la favorite qui fit une courte apparition dans ses agrestes possessions du Limousin. Une jumenterie fut donc installée à Pompadour ; le prince de Lambesc y réunit quelques chevaux achetés en Orient, par l’entremise de l’ambassade française de Constantinople.

La direction du haras passa ensuite au marquis de Tourdonnet, gentilhomme d’une des plus anciennes familles du Limousin, il sut