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ventre, lent d’allures et gros mangeur comme l’habitant du sol, le cheval germanique se couvre d’un rude poil, afin de résister aux intempéries ; le pied est plat pour la marche sur les terrains marécageux; la tête est étroite, longue et busquée, tandis que celle du cheval oriental est si remarquable par la largeur du front. On sait qu’à travers la marche des siècles, ce qui s’altère le moins chez les animaux comme chez l’homme, c’est la forme du crâne. Sur cette forme, la science moderne a fondé la classification des races de chaque espèce, en appelant brachycéphales celles dont le front est plus large que long, et dolichocéphales celles pour lesquelles le rapport est inverse. Le cheval oriental et ses variétés européennes sont brachycéphales ; le germanique est dolichocéphale.

Ce cheval a suivi les peuples du Nord dans leurs migrations. Il est venu dans l’est de la France, amené par les Burgondes; il s’est surtout implanté sur les rives de la Manche avec les Normands; il avait même pénétré plus avant dans le Midi à la suite des Goths. Mais ne se trouvant pas dans sa condition naturelle loin de l’humide climat de la mer, cette race ne s’est point conservée sur les terres sèches du Midi. Ce fait porte en lui un enseignement qu’on a méconnu de nos jours bien à tort, en cherchant à améliorer la population chevaline des pays au sud de la Loire par la variété de la race germanique, dite de demi-sang.

Cette race s’est même avancée jusqu’en Italie avec les Lombards. Quelques tribus se sont perpétuées dans les maremmes de Toscane. C’est de là que provenaient ces étalons noirs qui, tout de rouge caparaçonnés, s’attelaient aux carrosses de la cour papale. Ils étaient tatoués sur la fesse gauche des marques distinctives de leurs éleveurs, selon un usage déjà pratiqué du temps de Virgile :


Notas et nomina gentis inurunt.


De haute stature, cette race du Nord a fourni les chevaux d’arme les plus recherchés, tant que la cavalerie a surtout agi par le choc. Rarement soumis à de grands déplacemens, les chevaux de troupe n’avaient pas essentiellement besoin de la résistance aux longues marches. Mais le service d’éclaireurs tendant à prédominer dans les fonctions du cavalier moderne, la race germanique du vieux type est devenue moins précieuse pour un tel emploi, car elle exige de fortes rations à courts intervalles. Les escadrons ennemis, dont l’action a été si décisive dans la dernière guerre, étaient montés en grande partie avec des animaux vivifiés par le sang oriental.

La prestance de cette race lui avait également valu la préférence dans les écoles d’équitation du siècle dernier, dont la plus célèbre