Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos jours la base du serment judiciaire et de tout l’enseignement universitaire. Une telle guerre serait imprudente et odieuse dans tous les temps. Elle devient une criminelle folie, quand elle est engagée systématiquement et brutalement, dans un pays profondément divisé, au lendemain de désastres publics qui font de l’apaisement des esprits le premier devoir du patriotisme.

On peut soutenir théoriquement et même chercher à faire passer dans la pratique l’idée de « l’état neutre, » indifférent dans toutes ses institutions, même dans ses institutions d’enseignement, à toute question de doctrine, soit religieuse, soit simplement philosophique, et se faisant un devoir de ne couvrir de sa responsabilité aucun acte, aucune parole, aucun emblème qui puisse rappeler ou soulever de telles questions. Ce qui est déraisonnable, ce n’est pas de concevoir un tel idéal et d’en recommander la réalisation progressive, c’est de prétendre imposer une révolution de ce genre à une société vieillie, sans souci des mœurs, des habitudes, des intérêts qui peuvent être en jeu au dedans et au dehors, sans ménagemens pour les consciences, sous la pression et au seul profit d’une petite minorité d’athées.

On peut enfin, d’une manière générale, choisir entre la politique de résistance et la politique de mouvement, la politique de conservation et la politique de progrès, la politique de liberté et la politique d’autorité, la politique de guerre et la politique de paix; on peut aussi chercher un terme moyen, une sorte de juste milieu entre ces politiques contraires. Chacun de ces partis peut avoir sa raison d’être et sa légitimité ; mais ce qui n’est pas permis, c’est de tout confondre, de se montrer dans le même temps faible et violent, réformateur à outrance et impuissant à réaliser aucune réforme; autoritaire à l’excès contre des religieux, la plupart inoffensifs, ou contre de bons citoyens et de braves soldats, qui ont le malheur d’être nés princes, et libéral non moins excessif en face des périls les plus graves et les plus certains; incapable enfin de garder une attitude ferme et digne dans les relations extérieures, de s’abstenir des ingérences aventureuses, et de s’éviter l’humiliation d’une reculade sitôt qu’apparaît une menace de guerre. Il est sage et patriotique de se refuser à tout accommodement avec une telle politique ; il est plus sage et plus patriotique encore de ne pas se borner à une opposition négative, de reconnaître avec netteté et de soutenir résolument la ligne de conduite que commandent à la fois les intérêts permanens.et l’état présent du pays. La critique est facile : la droite et l’extrême gauche la font tous les jours avec une violence qui n’exclut pas la clairvoyance : mais l’une ne se propose que de renverser la république et elle ne peut rien