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Comme la poitrine se dilate ici! C’est le privilège des grandes villes que chacun, parmi les milliers d’hommes qui l’entourent, trouve l’âme dans laquelle il revoit son image et dans le voisinage de laquelle toutes ses forces se développent avec une liberté et une facilité dont il ne se doutait point auparavant... « Cela ne l’empêche pas de continuer ses observations : « J’ai appris à connaître, parmi les Français de mon âge, des hommes admirablement doués, surtout pour les qualités qui distinguent en général la nation, la force et la promptitude de l’expression, le feu de l’imagination. Mais la guerre et le manque complet d’instruction sous la terreur ont plus ou moins retardé la plupart. Partout il y a beaucoup de talent mais un talent qui n’a pas été cultivé. »

Voici une autre remarque qui servira en même temps à mieux connaître l’observateur : « La nation est étonnamment facile à éblouir. Je dois mon salut non pas tant au talent que je puis avoir ni à mon énergie, qu’à ma polyhistorie et à mon art de causer sur toutes choses avec chacun. « Comment! même le grec moderne? » criaient-ils quand je disais que je savais le grec ancien et nouveau. »

La nation est étonnamment facile à éblouir, Déjà, pendant son voyage à travers la Lorraine, il s’était écrié une fois, dans son style à la Rousseau : « O nation cordiale et confiante ! même celui qui voudrait te tromper, il devrait renoncer à son dessein en présence de ta franchise! » Ce ne sont-que des mots jetés en passant, mais ils éclairent un coin de ce caractère.

Pour le moment, il est tout à la joie : « J’ai maintenant supporté le plus dur; j’aurai encore à combattre avec les privations cet hiver. Mais si je passe ce moment, qui sera plus heureux que moi? Quelle richesse en trésors de tout genre, dans toutes les branches du savoir! quelle abondance de manuscrits inédits! quelles ressources pour l’étude! Partout des bibliothèques, des galeries de tableaux, des cabinets d’histoire naturelle, des jardins botaniques, partout des cours, uniques dans leur genre. Le concours inouï du monde, le frottement continuel donnent à chacun un vernis de culture, cela est naturel; mais ce qui étonne l’étranger, c’est cette ouverture d’esprit et de cœur pour tout ce qui est beau, que tu trouves même chez le dernier homme du peuple. « Dans ce moment se préparait une grande fête populaire en l’honneur de la paix. Un temple avait été élevé sur la Seine entre le Pont-Neuf et le pont National : le temple de la Concorde. Cette fête, qui eut lieu le 18 brumaire, et dont l’histoire a conservé le souvenir, fut magnifique. « Ah! la fête! la fête! » Jusqu’à minuit, au milieu de la foule ivre de joie, Hase courait, ivre de joie lui-même, se nourrissant de l’enthousiasme général.

Et alors il fait part à son ami de la résolution qu’il avait depuis