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ville a donné le jour à une telle renommée, elle aime à s’imaginer qu’elle en possède une relique matérielle. Du moins la prétendue maison d’Horace à Venosa est une ruine antique ; ce n’est pas une masure du XVIe siècle comme la Casa di Virgilio qu’on fait voir à Brindisi.

Ce qui du reste est étrange avec l’importance et la richesse qu’elle a eue pendant plus de sept siècles, c’est que Venosa n’a gardé debout aucun monument romain. Tous ceux qu’elle possédait ont été rasés jusqu’aux fondemens. Aussi son château, ses églises de quelque époque qu’elles soient, toutes les maisons de ses rues tortueuses et étroites sont bâties avec des fragmens antiques. À chaque pas on y rencontre une inscription intéressante ou un fragment d’architecture, architrave, tronçon de colonne, chapiteau. Même chaque pierre non inscrite et non moulurée porte incontestablement la marque de l’outil du tailleur de pierre romain. L’épigraphie latine de cette ville est d’une merveilleuse richesse et a depuis longtemps attiré l’attention des érudits. Les monumens en ont été recueillis d’abord par Cimaglia, écrivain consciencieux, mais dont l’érudition laisse à désirer, puis à la fin du siècle dernier par l’évêque Lupoli, dont la bonne foi n’était malheureusement pas en rapport avec le caractère sacré dont il était revêtu ; enfin de nos jours par M. Mommsen. Venosa est en particulier une des localités qui ont fourni le plus d’inscriptions remontant au temps de la république et comptant parmi les plus anciens monumens épigraphiques de la langue latine.

Ce qui a été funeste aux édifices romains de Venosa, ce qui a causé leur destruction, c’est que la ville garda de l’importance pendant le moyen âge et que l’on continua d’y bâtir en exploitant les ruines antiques comme carrières. Du temps des Lombards, c’était une des principales forteresses dépendant du castaldat d’Acerenza. Au IXe siècle, elle fut détruite dans une des incursions des Sarrasins de Bari ; mais, peu après, l’empereur Louis II la rebâtit, à l’époque où il vint en Pouille faire le siège de la cité maritime, où les Arabes s’étaient installés. Venosa appartint alors à la principauté de Bénévent jusqu’à l’époque des conquêtes de Basile II en Italie ; elle passa aux mains des Byzantins et se donna enfin aux Normands dès 1041. Ils remportèrent sous ses murs leur première victoire sur les Grecs. Ce sont les commencemens de leur domination qui ont légué à cette ville les monumens auxquels le poète Guillaume de Pouille fait allusion quand il la qualifie en des termes encore vrais aujourd’hui :


Urbs Venusina nitet tantis decorata sepulcris.